GUY BENOIT
IL Y A MALDONNE
Peinture dAïcha GERBER
Quand nous avons
le cœur si lourd que nous ne croyons pas tout à fait ce à quoi nous voudrions
croire, avons-nous le cœur trop lourd parce que nous avons perdu foi en la
Vérité, ou parce que nous avons perdu l’espoir que la vérité de la Vérité
advienne ?
Ronald D.Laing
autour du point zéro, je persévère
pour l’hôte d’un seul tenant
et j’entretiens pour le croire
la nuit complémentaire
sans autre rive que l’inchangé
sous une folle emprise, tu vieillis
l’écho d’un même halètement, cela
ne vieillira pas
orphelin
devant la sensation
comme ébloui, tu vas
dans l’étrave du sang
un silence
exagère son rêve
imperceptible
où les archives de l’œil
ne peuvent concilier
quand
le désir
ne quitte plus un corps
mais son délit
l’instant réjouit
jardin, peut-être
au-dessus du soupçon
peut-être, quand
le long des lèvres
ô mon abondance
les derniers jours
d’une constellation
de mots
quelques pistes farouches
clignotent encore
et l’horizon
sans réponse se
détend
lentement
ce qui s’exprime dans le sillage de l’eau
la rivière n’a pas besoin de le définir
Peinture dAïcha GERBER
dans ma nuit
qui n’a pas les bras assez longs
pour sa légende, je m’efforce
nuit sévère, pariétale
s’ingéniant à l’absence
de tout profil
un destin qui
n’était pas le nôtre
et pourtant notre
croix, probablement
oui, que vaudrait
l’incarnation
qu’à tort on croit
avoir vécue
si n’émergeait
l’harmonie de notre mort
fait-il plus froid
dans un sens que dans l’autre
pour ce que tu lègues
et vers qui s’annonce
déjà rebelle
à de bien maigres échanges
où des hommes et des femmes
ont, paraît-il, voix
au chapitre
nous sommes-nous jamais rencontrés
à travers cette fâcheuse impression de sexe
et de fantôme
lignes brisées
pour clore le chapitre
les mauvaises
herbes
ne se contentent
pas d’y pousser
l’ivraie pénètre la
moelle
qui pénètre l’exsangue
— désert familier
à la maison
ne demande qu’à
fuir
ma mort, je vous
prie
ratissez l’idée noire
la nuit est néante
on rend à l’évidence
ce que nous avons aimé
comme jamais nous n’aurions dû aimer
et dans un parloir sous surveillance
on se surprend à dire la descendance
d’un bruit de fond
le couteau
du cœur immédiat
pas grand-chose
n’accroche au cri
avec sa robe de
chair
et le choc sourd
de l’ange
tôt ou tard, la
douleur nous ressemble
tôt ou tard, lumière
pantelante
derrière chaque visage, glisse un adieu
chaque proximité s’effondre dans mon corps,
un mascaret
de lèvres
du tout au tout
de l’amour qu’il y a
un fait divers garde la chambre
sur le rebord du cri, des mots
aussi aveugles qu’un souvenir
ceinturant, ceinturant
à coups de sang rageur
ton passé ne cesse pas d’avoir été
désespérément, la même humiliation
plan par plan, incorrigible
surface
ceinturant
l’inertie, une touffe
inerte, le mal
existe donc
je n’ai vu que du feu
muqueuses du vide
boucles d’univers en litige
au défaut de la phrase, j’interroge
ma maigreur affichée
et les regrets de l’ombre
combien de fois
la main sur la réponse
elle ne sèche jamais où je l’ai laissée
cascades évanouies
du silence
à quoi bon renouer d’un visage contrefait
jusqu’à ce tas humain
qui disparaît le plus
Peinture dAïcha GERBER
les secrètes duperies
menacent de leur nudité
et la pensée si simple
malheur
qu’on ne voit pas
leurre ou créance, une pente trop naturelle
face à la nuit, la nuit
tombe en arrêt
c’est sommeil sur les berges
dont nous nous révélons
à force
de disette
et de passion perdue
sous la peau de l’été
entre l’horloge
et la nuit, le creux
d’un homme
ne plus savoir
qu’en soustraire
séduisant le sommeil
à pleines mains
assoiffée, l’illusion
rivalise
avec une longue,
très longue plainte
sur la joue d’autrefois,
sentiment
tel qu’il dissimule
il s’en est trop passé, il ne s’est rien
passé
personne à vivre
personne à mourir
le jour, tout entier
déclin
ce qui échappe
d’un sanglot
à l’adresse du temps
par où rôde
une odeur de haine
et d’un coup, la chair survient
dans les moindres détails
et la route, d’un coup escamotée
comme si manquait la fin
du jour
Peinture dAïcha GERBER
faveur négative
les mots
peuvent-ils
choisir leur univers
une brume obtempère
force cachée, humiliée
sous l’aile de l’éloignement
l’oubli respire le
même air
mais ce n’est guère
que grammaire
pour l’amant véritable
la plage et ses
suicides
et coupe sombre
en esprit
vouée à d’irrémédiables partages, la soif
se fait attendre
tout est amour
mais pas de lieu possible
dans les coulisses du sentiment
par ordre d’apparence
plus lourde que
la terre
là où la dédicace
des sexes
là où les sédiments
du mensonge
dans l’œil du cyclone, aucun nom
ce nom est soupir en attente
des deux côtés du malentendu
buée des mots, bien au-delà de la désignation
et du désordre, les franges amendées
«dancing in the dark»
nous diminuons,
quelque part sur une route d’emprunt
icône à l’improviste
quand dorment maintes
et maintes choses
Seigneur !
si c’était
l’amnistie des montagnes
fervents espaces, volutes
de l’extrême
soi, les sons
cernés d’intimité,
évoluent
dégrisés, mais
brûlant de rappeler
notre sang
autour, tout autour
malgré le démenti
des jours
malgré le démenti
des sourds
nous ne pouvons
fausser compagnie
pariade, meurtre exténué
aux portes de ce que je donne, entendre
la douleur perdre ses contours
toutes mes nuits
serrées l’une contre l’autre
chaleur du ciel sur ma peau
je sauve la mise
avec l’ancienne palpitation mourant