EXERCICES DE GUERRE LASSE
« Y a-t-il une
expérience spécifique de la mort, dans laquelle la mort se montrerait comme
appartenant à l’homme dans la plénitude de son existence personnelle ?»
Paul-Louis LANDSBERG
«... il est un
moment de la vie où on se dit qu’on veut la tranquillité absolue. Pas la paix
infâme du petit bourgeois qui a les pieds bien au chaud dans ses charentaises.
Non, la tranquillité absolue.
Et la tranquillité absolue, c’est un état de guerre, une insurrection
destinée à comprendre enfin pourquoi on était triste devant la tristesse,
mélancolique devant la mélancolie, tragique devant la tragédie. »
Jacques HENRIC
la confidence que nous ignorons
de la vie
derrière les nuages bas
de ceux qui disparaissent
affranchi, libre de tout espoir
entre lune et entendement
il y a place pour un jardin
l’humeur
d’un ver luisant
et qu’il luise
à sa perte
pour
l’unique
mise à nu
qui désempare de la tête
et des étoiles, non pas
douce torpeur
parfois, nous saisissons
au milieu du silence, ruse
un autre silence
dans la phrase lâche du temps
tu n’as plus de nouveau départ en toi
dépense l’entêtement
qui te reste
la rouille des larmes
on y revient toujours
comme exempté de jours futurs
terrains vagues, chairs abstraites
l’incompréhension que nous avons
d’avancer avec
des épaves remuantes
plutôt que de perdre la face, le deuil
en la matière
des sonorités se taisent
mieux qu’elles n’improvisent
mais aussi teinte sombre gisant dans l’apparence
homme atonal
encore et encore, un désarroi
remplace l’objet
de quelle résonance
à ce que nous mourons
vaine pâture
ou nourrie par le bien
d’où vient la lumière
sur le sujet douloureux
peuplement anonyme
aux gencives terreuses
cependant il chante
ruissellement de patience
ruissellement de patience à la petite semaine
jusqu’à bon entendeur
jusqu’à bon entendeur, salut
ombres projetées
dans une nuit à crier sur les toits
sans trêve ni rêve, on fouille devant
cela n’en définissait pas de toucher
au secret des indigents
je réclame l’oubli que rien n’oppose
juste pour voir si le vent s’habitue
au fond du jardin
relève les bords
de rares jours à vivre
le visage du temps
nous regarde dans les yeux
peu dignes de foi
fin de compte qui ne soit pas
une fin, j’ai peur
de compter
proposons-nous la perfection
que nous n’en pouvons disposer
à cause de proies faciles
et vieilles comme le vieux monde
quelle pensée, ne craignant pas
quelle pensée, ouvrage de bras
ouverts à la disparition
l’autre langue du firmament
quoi qu’on fasse, elle tient ferme
à nos pieds, gravée
dans l’humus et le piétinement
de vous et moi, blanchis
sur des chemins sommaires
ainsi qu’ils se prononcent
et si près de tomber
seconds couteaux, invétérés
que l’on bouge ou que l’on soit immobile
au travers de vitres sales
cadrage d’une existence
c’est à peine
miséreuse et sans merci
qu’un trou monté en épingle
peu s’en faut que les atomes
empêchent
l’espace irréductible
du doute
nous mais non
plus nous
au cul de la cible
on n’enseigne pas la rivière noire
des surfaces grises colportent
la moue usée de nos amours
se souvient-on de
maintenant et l’heure
des mélancolies
chavire toute chose, jamais
assez pour nous rejoindre
et le souffle, agrippé
du court terme
trop loin peut-être d’un réel paysage
sous un ciel noyé
de reflets d’ardoises, ma mort
se prépare à mourir
couramment me dépasse
d’une obscurité
par-delà les haies
où il y a longtemps
lorsqu’à soi-même trépas
des alphabets en loques
tranchent
sur la conscience
bon, admettons cette soif de repos
et tant pis du malheur
je n’ai pas connu d’autre enchantement
que l’excès d’un murmure, ici
la nuit s’empresse de négocier
comme si c’était une richesse
une fois de plus, l’univers
baye aux étoiles
vivier propice à la comparution
on voudrait comparaître
sidéré sidéral
devant les syllabes, le grumeau des comètes
avec application, langage
qu’on mâchonne à voix basse
toujours nous quémandons un temps
pour revancher l’autre sûrement trop intime
à la durée des apparences
loi provisoire, éraillée
de brèves joutes
parfum éclaté
tourné de l’œil
une main, passablement terrestre
récidive de fond en comble
tout l’éclat à la hâte
dont nous sommes garants
l’été, vu de dos
essayait d’entrer
le cercle déférent
au chevet
de quelque terre fatiguée
qui ne court pas après la lumière
lui prête main forte
pour une même issue
mes sommeils
ne somnolent qu’à moitié
d’une proche parole
dans le plus pur style
d’une mort annoncée
indicateurs au rouge
feux follets
des assauts dans la nuit
l’ébranlement d’un savoir
et la mince couche des préjudices
derrière les paupières lourdes
cette joie qui manque
l’as-tu vécue
avec âpreté
qu’est-ce qui succombe
d’un sourire
vers un peu de blancheur
quand des hommes mettaient la mort en danger
pouvaient inaugurer, inauguraient encore
ta propre tristesse tu remonteras
en moins de temps qu’il n’en faut
pour un havre de paix
une insistance derrière le rideau
comme
« offusqué des
ténèbres » *
* Pétrarque
rappelle-toi l’ensemble de mots
et la curiosité autour des cendres
à peine quelques maraudes
qui t’ont vidé
de toi
un tel effort
à fournir, le friable
les gravillons de l’innommé
à la trace, tu te cognes
un cérémonial de pensées moribondes
planter un silence
en le taisant
et la seule expérience
d’ores et déjà, c’est un cimetière
que je visite le soir venu
visages réversibles, ajourés
on aimerait pactiser
promis d’office à la stupeur
d’une chambre vide
nous
rescaper
in extremis
le séjour
est modeste
faire le reste
avec sollicitude
qu’une flânerie
au-dessus de la page
le passage des distances
bander seul à la circonstance
les brumes d’une respiration
les arbres, le sens de la bête
et la masse des données que nous figeons
à l’arrière-plan
sommes-nous coupables
de formes spectrales
ni clôture où se brise un ciel pâle
ni le pouls d’une pensée
à présent que
l’éblouissement se rapproche
en aveugle
y’a pas de mot
au fin mot de la grisaille
ni résidu ni rien
sous le poids de l’œil, la lumière
crève aussi
attendant
le hululement
de la chouette
avant le petit
matin
indemne