JEAN-PIERRE ESPIL
L’ADOLESCENT BLANC
À tout ce qui participe de la transe.
Jean-Pierre Espil.
I
ADOLESCENCE
Un ange blond et pâle passa dans le vent, engourdi et sublime.
L’enfant courut vers son destin de neige, plana longuement sur les noirs paysages, son aube au vent claquant, et finit absorbé en horizons de nuit.
Il coule, navire empourpré comme un cygne blessé.
Il coule, et retourne aux confins des sentes embaumées.
Il songe à son adolescence des nuits de sueur. Des nuits vers des confins sans bruit.
Planage mystérieux des papillons de nuit.
Il remua lentement ses lèvres.
Lentement. Langoureusement.
Il apparut en adolescent embué d’un suaire invisible, image de la mort.
Ô fureurs errolées des Pérous exangues, barcarignes sublimes et cascades informes, exigez je vous prie des cantiques rapides, aux chants sans cesse à l’ombre des cheveux d’autre Hélène
Mourir et qui vous dit de quelconque demain
À la beauté s’harrasse d’une certaine chasse
Permettez aux milieux de faire de demain des casques d’or rangés aux masques des repères
Et la voile se déploya sans heurts, tel acariâtre papillon de nuitamment figé
Mourir au soleil ivre d’alcools de riz plaqués et répétant sans hâte de givres cimeters
Mourir aux boréoles cortisone de riches et se déridant à jamais
des portées manifestes
manifestement décidées
comme telles
Au début fut la vague, instant sublime des paysages bafoués, nouée de sépultures
Abjura son néant de chair et d’eau
Erra aux crevasses sans but précis poursuivie en cela jusqu’aux marches des cloportes
Ce qu’il y eut :
Des Rimbaud solitaires se mirent en pages
La page désormais incomparablement vierge se goûta de revendications
Des troubles mercenaires s’insinèrent de fait et l’on ne put endiguer un grand remous de peuple
Des acclamations surgies de ventres vus abravaient la paix des cathédrales (grandes centrales catholiques)
Pour en finir la vague resta seule, consciente et dédaigneuse
Réciproquement en des dieux de carton la poussée du désir fut telle qu’en craquèrent de mort des éventails d’étoiles
Raflèrent enfin de nouveautés carignes, morciflage endetté des cantiques badins
Ma qué, j’étais de mort et la vie a jailli, entraillée d’épiglomes silencieux
Mais du plafond d’étoiles a diffusé soudain, à coups d’éclaboussures, de rampes cyclomores
La vie n’était jamais qu’avant
De grands remous de terre applaudirent, enlevés des marques du prophète
Et la mer seulement, immense page vierge, aux vus de ciels d’hommes, soulevante et pulpeuse et si triste de cils écumeux
La vague-particule, hérissée de caresses, agacée sur le parme et ridée d’hémicycles douteux, s’enlisa abondamment pour ne revenir qu’à la poussière d’or des scarabés
Et l’Océan sans voix, aux dents de rouge abord, s’évinça aux regards des Castille sanglantes
Pour moi je crus rester au port, sans voir de l’alizan la funeste parole, rouge vif
Pardés de gros Indios, tams-tams énamourés des vertes bartignoles, des lianes s’égaraient de furie vierge en forêt vierge
Pour que tout fut Silence, idiome à l’infini
Pour que la mer aboie, silence des silences, gaspillage nocturne et creuses vagabondes
Abonde, vague, et te tais, morgue et simulacre aux bouges nés du Sud
Opium, des sans-fusils, crispation des galènes, abondance charriante des rapides bagués, amour des cent fœtus, avarice des maëlstroms dépecés, boccages ribambelles des plus hautes saisons, gaspillage anhydride, furie audacieuse
Tout me fut livré en témoignage de l’Homme, descendant et petit-fils des fleuves
Le rive cependant n’en finissait pas des tropicales lumières, des questes des futurs brisans, rivelles fleurs serpentines, agaceuse et gigotante des singes hurleurs
J’avais soif, il est vrai, et longtemps crus en rives illimitées
poissonneuses
foisonneuses
rives tout en remous
remous embarqués de fleurs et fleurs des grandes brises
Je fus marin à pourfendre la vague, exemple de mort
Au ciel criaient des rêves
J’ai bien conscience maintenant de deux vies se jouant
L’une
celle que j’ai connue, supportée
L’autre
celle des horizons morbides, avec parcimonie.
Malgré tout j’aurai souvent rêvé au bord des lianes, au bord des fleuves aigres-doux, ensorcelés.
J’aurai rêvé aux déserts à venir avec
dans l’immense non-floraison des sables une Certitude.
Sérieusement m’avaient brûlé des soleils, des cierges (sur chaque grain de sable un seul avec des enflammures).
Aventure des bouts des mondes, exorcisme ignomineux. Vents capables de tout, des plus hauts faits, des plus bas nivellements. Sainteté des gestes incestueux.
Je vis venir le vent avec son goût de cendre, incrédule.
Incrédule, ma route à suivre, trop droite, trop vite tracée, infestée de mariages et de médailles du mérite.
J’en rapportai au sable, comme témoin de mes rixes internes.
Au vent, meurtrier des sables.
Je m’encolérai, pour enlever tous les suffrages.
Savoir par cœur les galbes de la vague et ses miroirs cassés.
Par les feux de l’enfer
Par ses
Rapides simulacres.
Avoir pour ambition de saisir la flamme goutte à goutte.
J’en reviens au désert qui incendiait ma peine (les minéraux sans cassure ne purent que prolonger...).
Des républiques aux océans, je fus sur le point de couler, l’aventure prenait d’autres dimensions. Le reniement possédait celle du suicide.
Au rythme fou des flots sans trêve courre ma pensée indissolublement en expirant d’horizons en lointains s’étirant violemment et rencontrant des chairs de cœurs mouillés par une certaine félicité qui tremble de paraître irréelle. Rumeurs lancinamment présentes pour celui à qui de corps ne pèse nullement mais seulement tourbillonnant des moments de tourmente.
Champs face à face, déserts et mornes croupes, onduleuses machines aux vents impromptus.
Il fallut s’asseoir pour étouffer des larmes.
Cire pliée aux recoins de la clémence le vent me fut seul guide
j’étais seul pèlerin.
Au diable les tambourins, bansacrées les farandoles, les taxes héritées.
Je m’éloigne et combien. Je tue ce qui va naître.
Me voilà reparti vers des dieux moins pédants, moins sûrs d’eux, moins classiques.
Et si je vogue enfin seul, au parvis du magique...
Reparti vers l’aurore, la pureté des sables, la mort de soi et l’exacerbation des fleuves.
Reparti, encore trop grand mot, à des travaux sans gloire, mais sans mesure aimés.
Mon rôle est de mourir, j’ai hérité du poète, mon rôle sera su quand je serai mon maître.
Ô torture du chant pour qui se dresse, immense, l’esprit terrassé, l’esprit sans voix des jours de plainte, l’esprit aux membres gourds.
Il faudra cueillir au loin des maux inconnus
Sans quoi l’esprit se détruira lui-même
Sans quoi nous qui sommes au-devant d’inappréciables maternités
Nous subirons le même sort.
II
MAGE
Aux mages de l’Occident sans luxure, aux marteaux, aux vulgaires dépouilles devenues acrobates
Aux crasses amarantes, aux dorures sybilles, aux femmes syncopées
Aux nuages faciles, l’éther et sa grimace, à la fumée fantasque qui bouche nos canaux durs
À l’écorché verdâtre qui danse une sarabande
Aux loups qui pullulent
Aux sexes graciles, la Beauté à portée de la main
Aux batteurs devenus nègres, à toute la contrebasse des couloirs si grinçants
À moi-même
À ceux qui bouchent mes yeux et crachent, satisfaits
À la fin qui m’attend, apocalypse et jeu d’enfant
À l’éternel frayage et aux dieux satisfaits
La terre étincelante invite la forme
et la forme se plie, pour la beauté du geste.
Entre l’Orient et l’Occident subsiste la merveilleuse impression du caprice solaire.
On a tendance à s’envoler au-delà du sommeil, mais c’est faux, merveilleusement.
Arriver à l’essence de l’être, voilà la grande faucille. Le rôle est mou, les dents chasseuses et comme empoussiérées. La ferme consolation des dieux, entre univers de faillite, où se noie l’immensité, ce sont les balcons de l’amour.
Cette crue de rivière emporte mon sourire de chair, mais ai-je choisi ma mort.
Au tournant des longs conciliabules, il y a le chien à attaquer.
Il y a la merveilleuse mort des artistes-prophètes, mais moi j’essuie du gant une fonction impure.
Demain le noir sermon sur la colline tancera les hommes oublieux.
De ce bâton noueux faisons donc notre fugue, nuage des rumeurs fluides, et crions au miracle de la solitude.
Et donnons une force impulsive au poignet de l’ancêtre pour qu’il nous montre de ces vapeurs d’encens qui restent toujours notre mystère...
Applique-toi, Colline, devine le par-delà des mots ton ivresse finie
tu sauras nous y joindre.
Ô bonheur de la mer, ô bonheur du sang, joies d’écorchés comme des traces de brûlures.
Vie démesurée
Ton cercle magnétique nous achève à l’aube
Monstrueuse perle de poussière.
Un vent déterminé
avec des faces vertes
Un vent pointilleux, sans arrêt
secoue le crépuscule
Une aube de marée
dessinant sa voilure
au large des Pygmées
dénoue le pieux mensonge.
Qui peut verser encore
aux drames de la mer
Malgré l’affaire vague
on sait à qui profite
le jade des galets
À ceux bien sûr qui marchent
dans les vagues
Et connaissent des crocodiles
les grandes idées.
Au refoulement subit des troupes dont le cœur s’émeut correspond un important dilemme :
Lâcher le cœur à l’avant, puis plonger dans le gouffre épais qui disparaît,
Mouvoir ce subtil épuisement pour trouver du réel dans cette imagerie.
L’effort est porté avec soin sur l’entente des troupes. La cruauté d’un trouble-fête dans ce jeu démoniaque entraînerait une chute.
Imagerie, Océan, autant de mots nus, de choses belles, de cascades ensorcelées.
Fureur du caprice solaire (j’y reviens), tu ne connaîtras pas la blancheur translucide des transparentes peaux, comme une onde nocturne...
comme une vague à moi, une onde qui torture, une chaleur sans hâte, un monde de tonnerres grondant déjà, une avalanche de sourires clos, avec derrière la mer et une algue divine, mondes, mondes à l’intérieur, grinçant leur fureur au-delà des fumées, sur les plages hautes, hautes,
où commence l’onde subversive, et cet emportement au-delà du supplice, une conscience en trop
où des objets offerts, abandonnés des dieux, semblent nus et brillants
sous la lumière des comètes
Ô je prie pour cet avènement, pour le chaos heureux, énorme, transcendant, qui suit ma destinée, ma trace d’Homme de Vent
Je prie pour mille chutes, présentes et à venir, et ma bouche entr’ouverte, étonnée et sublime, goûte le sel des pleurs de la joie qui m’étreint.
Même tué, même pantelant, j’aurai la force de crier, de faire crisser l’acier de ma plume de sang
Au-dessus de la mort il y a ma Puissance, il y a la fureur
de mes yeux Innocents.
J’avais marché dans la lumière de l’aube, longtemps, essayant de retrouver les temps de prêche et de sabbat comme une pure loi de nature.
Voici ce que je trouvai à dire :
Miamolegan, buste lésé, cœur humain,
avive le feu des tentes d’hommes
ils vont croire en ton nom
au mal que tu leur fais
Miamolegan, geste arabe, constructeur des dieux
rejoins la foi par des sons
et des couleurs.
Voilà comment je parlai au dieu
Et ma substance des yeux semblait plus belle
comme une découverte de possibilités au-delà des apparences.
Car la substance brune (une idée de moi), dans sa quête baroque, oubliait les dieux de son enfance, rejetant la folie pour la lucidité à chaque pas, une lucidité comme faisant corps avec elle, étreignant les rapaces globules de cloisons explosives.
Une substance... comme un nœud au centre du Centre... terre rouge brute, révélation de mon être subtil.
Je rêvai au fil sacré qu’il fallait séparer de la touffe noircie, que j’aurais tenu entre mes doigts terreux, violente affirmation de moi.
Le brick-trois-morts, la rampe défoncée
sur le soleil descend, colombe,
et reste.
Le brick-trois morts, élancé et vigoureux, a de Rome parcouru la fossette, si antique.
La nuit, le jour, la nuit, le jour, le sel, la terre ont dégrafé ses flancs c’est le port qui s’enfuit.
Et c’est le port qui s’enfuit et c’est Rome qui reste et le reste ne compte qu’avec précautions.
Un pirate s’est dit : « le diable a fui la mer »
non-informé peut-être, mais pour le moins courageux, il a cru en la mer.
Mais la mer est si...
Et d’écume en écume, d’horizons en pelages derrière les nénuphars (horizons fins, illimités), il croit cacher la mer, qui s’en fout comme
du berger qui moutonne au large des collines comme
d’une fleur que l’averse aura détrempée...
Le cercle magique de mes yeux trouble le long repos de nos sens. Et je crie
Exigence à l’ombre de ma torpeur comme un trouble nouveau vulgarisé.
Fatuité de nos états de service, cris de nos sens
Et lorsque le dénouement, ce sommeil sans grâce, comme une mort, m’étale sur la page nue, je m’éloigne à pas les plus lents.
Y a-t-il individu plus agité que moi ?
Forcé de nourrir les plus graves disgrâces, sybille sans joie,
Je travaille sur le marbre
pour choir dans la banalité.
Le vulgaire m’étouffe, mauvais cri de souffrance, le vulgaire m’étouffe, comme une maison morte.
À l’arrivée de la nuit.
Une sensation de bien-être, d’étonnement d’être bien. On se dit qu’après tout le monde est très loin, ô loi du confort modeste.
On sent qu’on est puissant, avec l’inincertitude de la création. Gabarit puisé de nerfs.
Le retour des âmes au pont de pierre nous écartèle doucement, et nous tremblons de renouveau.
Les Crachés ont raison d’être l’œil, qui voit la descente consciente.
Ô monde informe et désuet, crache sur la fange des papes et des rabbins, salis la modeste économie de nos cerveaux, écroule le temps qui passe.
Deviens la réponse correcte qui fait le bonheur des morts.
Il entre dans la danse et dit : « ceci pourrait être un tourbillon, avec l’écartèlement des consciences sauvages ».
Les mots ont leur couleur, heureusement, sinon il y aurait des incendies de clepsydres.
L’idée d’un vaste gâchement des mondes, qui tourbillonneraient, l’inexorable sensation d’être seul, et seul incompris.
Un remous dit : « ouvrons le sarcophage de nos gargarismes, saluons le soleil allé à la nuit et la queue des comètes si petite... ».
Enfin il y a deux problèmes : le problème qui explique et le problème qui dit. Prenons notre climat : les sarcophages vert-de-poule sont ceux qui ne s’ouvrent pas; les sarcophages à queue de comète bousculent mes ancêtres par milliers.
La différence ? La veine est ouverte dans l’un, comme la herse au poison.
Il ne s’agit que de pratiquer la séduction d’une soirée.
L’ivresse est l’os de nos antipodes.
L’orgasme mêlé de sang atteint le ridicule.
Et l’ivresse bénie mange de ce pain étroit qui avilit le report d’inconscient.
Que passe l’ivresse et je serai ce monde de corruption.
Que passe l’image et j’inventerai des mondes.
Des mondes bien à l’os d’irrigation, des peuples où la mort semble de plâtre.
Des peuples avilis qui veulent danser leur mort, jusqu’à leur gloire.
Je serai l’un des deux, avec l’inconfort de ma randonnée. Je serai la vieille tour frivole, sens inné de ma théâtralité.
J’irai jusqu’au bout de ma rébellion, j’écraserai le sens imbu de mes larmes-prophètes. J’aviserai ma colère de danse
de mort
de corruption
éternellement vôtre depuis le début des mondes
éternellement serviteur de vos grands gestes maîtres d’un certain endroit que je ne connais pas.
L’humeur écrase mes reins. Le guépard à l’aube se lèvera sur mes lèvres de pourpre, avec l’illusion du carmin.
Et je serai Celui qui décidera du sort des plantes carnivores, Celui qui mangera de ce pain à l’envers, à l’encontre de mes travaux d’Hercule, grande saloperie des temps reculés...
...mange, mange, mange l’herbe carnivore, demain tu seras prêtre
danse, danse, danse, saute sur le tremplin à tout jamais élastique
écarte les substances divines, il est poison le sang qui vient désespéré,
étouffe tes murmures, éclate en cris de joie et d’écorchements barbares
roule la pierre-délire sur les mousses qui disent de leur verdeur la grande aventure,
tu seras prêtre, il est grand temps d’étoges à sacrer...
Ma verdeur... Tu es sacrée pour moi, le sexe en dit trop long, et tu restes, moi nu, époux de tes lianes voluptueuses, écrasé sur la mousse,
comme un rut...
Mage du feu en rupture avec soi-même
Rêverie incandescente du ciel
Détruit par la forme et l’énormité du lieu
Tu dardes tes sentiments aveuglés de brouillard
Monceaux d’esclandres.
La fleur géante à lourds pétales sanguinolents fait battre dans le sein des suicidés une douceur immonde de putréfaction.
La fleur charriée de feuilles en lourds remous s’écroule en abîmes d’eau noire.
Et la forêt battant la fièvre de son supplice éclate en boutons qui dégagent de l’or.
L’odeur des poulpes qui battent est forte. Que va-t-il advenir du sang des gouttes vertes ?
Elles couleront sur les reptiles en boule, au fond des vases chlorophylles.
Le mélange est parfait des pulsations visqueuses, respirante l’écorce des arbres-caoutchouc.
Les corps sont blancs d’être immergés, ô ablutions sacrées au cœur de vos pétioles.
ŒDÈME.
Poilus sont les animaux des racines.
Ils sont facilement emportés par les vagues de terre liquide.
Ils rampent dans les eaux troubles vers les calices à leur portée,
qui les aspirent...
...Et mon cadavre s’enfonce patiemment ô
et l’ablution énorme qui mélange mes chairs pâles ô
et mon cri distrait je suis pétri de remous et ô
je laisse aller ma mer...
Dans l’œil blanc une foule énorme émerge des gouttelettes. Est-il spectacle plus beau que l’émergence de la blancheur ?
Vagues territoires enfoncés, que l’amour qui défonce votre corpulence satinée égare en maints propos la rougeur des soleils d’eau au centre des abîmes, nous fasse nœud de branchages solides, égarés dans la sève bulleuse.
Apparition.
Ruisselante la glaise, elle épouse les formes de la Beauté. Elle surgit dans sa blancheur de nacre, étale à nos yeux nus et quelque peu noyés l’écœurante fixité des statues de marbre.
Écœurante l’entaille au pâle ourlet qui veut saigner la chair.
Il coule seulement un filet dérisoire, pâle, et qui va se figeant.
Le cri noyé dans sa brume de cire écrase en rouleaux confondants
toute vie
La vitre dépolie se déchire et saignent
les mille éblouissantes facettes
L’Illusion à son comble va tomber dans la mer
Il est temps d’être Moi la mort est toute blanche
Une tringle de nerfs est une harpe mobile
La boule de vibrations est au pied des poteaux
adieu
brisure des feux tournants.
Sous le tissu osseux des crânes parodiés se passe la plus incroyable histoire des jungles qu’on croyait laissées à la nuit.
Dans la fureur énorme d’une ruse voulue le Poète maîtrise ses nerfs support d’Or et de Sang.
Ô l’énorme gargouillis des couleurs qui flottent, barbouillant le visage des animaux luxuriants
Ô la pirogue qui pointe son nez dans l’écume et n’échappe jamais à notre désir de peinture
Maîtrisée d’un bras souvent sous-marin elle explore les riches luxures, pain béni.
Maître du monde et de ma noyade
Je contrôle la descente abyssale de mes chairs.
Le masque noir du triangle d’inconscience
petite pluie jaunâtre
demain bile rapide
accaparé par l’œil disloquant
de la mare des songes
laisse à l’horizon un cafouillis
d’oiseaux rongés de rouille
qui tressautent aux coups pulpeux
des langues de sable
Un masque montre à nu sa tête d’antilope
masque effilé
profil d’oiseau rongé de fièvre
Les tambours s’éloignent vers la prière sacrée
creux comme les orbites des morts
Abrah, abrah, semence des morts
criez tambours de peau
laissez-moi seul avec mes infâmes tentations
et mon désir de soleil
La Beauté roule dans ses pépites
je la VOIS
c’est le choc infini des lourds maillets de bois
et l’écho du désert sacrifié aux dieux
Je suis Cannibale
je mange, je bois, laissez-moi me saouler
à l’Amphore africaine
mâcher les feuilles de coca
et d’un coup sec trancher, dans un rire sauvage,
le cou des agnelets,
dont le sang chaud m’inonde.
À la prière du dieu Râ
bat, bat, le soleil infâme,
roulent, roulent les tambours
aux tympans troués
La tige des os de plâtre
dieu sans nom au totem
donne son cri.
Les bêtes vagissent alentour
guettent les nouveaux-nés.
La jungle écrasée de nuit
atroce fulgure éclaire
cérémonie.
Homme, dépravé, contemple
déhanchements d’oiseaux, sueur,
sueur, fièvre de peau,
oubli
Sabbat de fuite, de nuit, de rapines
au dieu de plâtre nu
Sabbat de mots, sans suite, sans cris
sans élargissement
sans peur des yeux à raillerie
sans rouille
sans crêtes de feu à craindre
sans mort
seul un immense repos.
Des crânes sous la lune démystifient le ciel
Pleure le ciel car la lune
demeure
À l’horizon des pelages endormis, chrétiens, mâchez vos ceinturons, à la lumière gaie du sépulcre poli
Il faut aller à la source du mal, ô lents affectueux
et revenir à l’aube en fracas de bravades (Étrange destinée)
Au harem sans limite il n’y a plus de fruit à cueillir
La source blafarde et dense écoule son miel à venir
Les hommes ont bien voulu de la mort
Il fallait laisser survivre
les Incompris.
La cuite, telle une pieuvre, a bourré mon crâne d’os, de débris de cendres, et de sangsues.
J’ai laissé mon crâne aller, au sens des flots nuageux, et la pluie a mouillé de cendre mon visage,
calme purulence de mes établissements intérieurs.
Je construis le mur de briques intérieur, et ma soupape en proportion.
J’éclate.
Je divague en rhododendrons, j’arrache ma lampe de soufre.
Je crache sur la rive de mes cent mille langues, de mes impudeurs imprécoces.
J’étouffe, aux quatre coins du monde en folie, j’érige ma rétine, et le jouet cassé ne peut m’atteindre de sa liquéfaction.
Je jouis à l’encontre d’Êtres de Sang (il faut les distinguer des garennes aux cent cheveux de pourpre).
Tu es la mort
Tu es cascadeur au centre de l’abîme voilé, la veille et le sang comme grandiloquence suprême.
Ô besoin d’être tout nu, il n’est de calme abord que ce suicide vain.
Il est de mes impostures
d’être moi.
Le goût épanoui de mes rêves subtils sur leur Souci de déconfiture.
Il marche, il va, il court, et enfin, ô champignon de mes vingt ans, renifle le trèfle à dix-sept feuilles.
Il est dedans, lui qui s’ignorait comme bête de somme, syphilis aiguë, crachotis infâme.
Il EST le rêve et la mort en-dessous.
Un indigent superbe traversait le ciel à coups de balai-brosse.
Il regarda la monture écarlate qui renâclait sous lui et lui lança un rayon de soleil, comme une foudre.
À l’est partaient des respirations haletantes, comme une mer pulpeuse.
Le ciel brassait l’éclair, le rendait aux miroirs, aux millions d’êtres glacés qui criaient de douleur.
— «Hume le ciel, se dit-il, car maintenant doit mourir l’Homme-Soleil, le Maître en ces lieux.
Je crois d’ailleurs savoir qui c’est.»
À coups de tambour la Voie Lactée préparait la cérémonie. Au bout d’un moment il n’y eut plus que des planètes sûres (les autres étaient chassées dans le cosmos, vulgaires dépouilles).
Un prêtre passa, brandissant un foulard de soie, fauve agile.
Une brume violette tapissait nos espoirs d’une lutte sans fin.
Il n’y eut pas de lutte. Il n’y eut qu’une trace, dans le ciel blanchi d’os, d’un hiver rigoureux.
La joie dantesque prenait fin avec l’adoration des mages voluptueux. Un chant lugubre s’éleva dans les cœurs des chiens, ponctué par des coups de sifflets et des battements de mains.
Il n’y a, dans le ciel, qu’une traînée rouge de craie.
Il n’y a, dans le ciel, qu’un ventre énormément seul, avec des poussières de citron.
Une vulgaire fleur vénéneuse creuse mes yeux, avec moi comme seul spectateur.
Il y a la liberté enchaînée, avec sur les murs des dépouilles, des peintures sans valeur.
Dans cette conception du monde il y a le cri du chacal, et la joie du désespéré.
Ô monstres de ceux qu’on étouffe, il n’y a qu’une désespérance à détruire pour aider ceux qui ont faim.
Vulgarité des mondes, aux horizons cent fois reniés.
Monstres abyssaux, il ne faut pas creuser le sang pour la punitive leçon de mort.
Vulgarité des chutes d’hommes.
Ilôts sans grâce, Multitudes.
Affadissements lucifériens.
La foule a des travées grotesques.
L’esprit a des rebondissements inégaux.
Fuir. Laisser la chouette, son hululement hystérique.
Laisser la double vie de son rire lugubre.
On ne peut plus crier, on n’est plus que l’arbre dans sa souche, le reniement soudain au centre du centre.
On a fini de rire, car le rire est un échec.
On est seul avec sa langue, seul avec sa source.
Héréditaire, mondain, le doigt qui part à la recherche de ses adieux
La craquelure désuète intime l’ordre
Le cerveau enregistre
c’est l’Atomisation.
La fin qui s’embarrasse du jeu d’enfant des femmes
Plus pur style de gamme
N’a beau n’être que de marbre
À l’horloge il existe un minuit-douze.
Ô ma Belle louée dans un cratère vrai, peux-tu jamais étreindre le cerveau de ma nuit,
peux-tu jamais comprendre les élans inconscients qui montent de l’orgasme et des élans de mer
Ô Cachée, folle Comtesse des soirs sans détresse, figée dans la lenteur voulue de tes plis
Pourras-tu écraser sans remords le rictus amer des Bouches collées à mon sang irréel (mes reins effacés d’un langage si clair tremblaient de n’en pas comprendre le sens infini)
Toi seule, avec tes yeux de perle, avec tes traces de cendre (déjà tu connaissais le feu)
Toi seule es capable de voir le lieu divin où se jouent mes prières, les sentiers irrémédiables où se portent mes pas, les culs-de basse-fosse où je noierai mon âme, s’il le faut, pour des antres nouveaux.
Ô paysages raides, pliez-vous au succès de mes lois, il le faut,
Ô mes Reines, vêtez-vous du costume somptueux des Rois, et prenez ma main de vieillard
Jusqu’aux premières marches de platine.
L’Annonciateur est venu
a fait crever le rire des impies
renoué la Grande Leçon pour la mort
apeurée
Le Maître de l’Arbre renonce à son mérite
Est-il venu ou non ? menacé les pierres, les rites, les sonces, retour des justes demeures.
La mort ? Une vague pour la fin.
Enfin le dôme impie, éclaté, se ressasse : le plus haut des lieux chez nous est encor fort.
Pauvres !
La douleur est très forte dans les arbres pendus.
Le soleil agarasse trois des remués.
Bien fait ?
J’aurais tendance à croire aux mânes respirantes
qui puisent à lancer aux courses des saisons
la rumeur inétablie d’un rire embarrassé.
III
POÈMES POUR POUVOIR
Une flaque, pointure de ciel
Menace le couvent au large de nos yeux sourds.
Grève ou pluie
la partition de nos cerveaux de diamant
éclate.
Geste nuisible à l’ennemi
qui rit.
Claquemurée, une tendresse atone,
celle du Jugement Dernier.
Que d’Or à la Flaque se coule
La Gerbe éclabousse
toute chair ennoblie.
L’Or, langage de l’air,
mort à toutes fins du sable
mange les langues de nos esprits
La nuit la prière se coule
de nos armoires-dormeuses
jusqu’à la dame du logis.
Au centre du pigeon dort un cœur de poule
un miasme dur et oisif.
L’histoire qu’on m’a contée, elle, s’enroule autour des senteurs endormies
où les heurts qu’on connaît s’écrasent en douces mains de songes mûrs.
Dans la fête qui suit on presse l’invité
qui, avant qu’on ne le lui dise,
avait pressenti le danger.
Mais que faire ? quand on croit à son immunité...
Il va dans son rêve et à la fin se fait tuer.
Rideau la fièvre
demeure à tes dents de
croquemitaine
Farouche guerre
En bas attend
le drame nu
Le masque blanc n’est plus
de la revue
Fatigue la fièvre
chevaux-tonnerre
Elle fait suite au marteau-pilon
ou au combat contre les coqs.
Un sens terrible est un craquement d’armoire.
Il suffit de voir la plus petite liqueur doubler de volume pour se rendre compte du chemin à parcourir.
Le courage, c’est la Vénus de Milo.
Il faut la voir, transparente, avec ses yeux peints, et les dents d’une vache.
Un jour, elle perdra la vie attribuée aux belles choses.
Encourons donc la fureur d’une agape monstrueuse, et laissons de côté la tête de la salope.
Il est dit : Apollinaire est mort, suicidé.
Verlaine est mort, suicidé.
Ils ont vécu jusqu’à la dernière bouche, en travers de la selle du dernier cheval galopé.
Ils ont la bouche sèche des champs de luzerne pendus sous des lunes folles.
Ils ont percé le MYSTÈRE DES AIGUILLES.
Ils ont juré de s’arrêter avant 40 ans.
Ils ont dit : un adolescent mort est un désir fraîchement déterré, une pousse sans tendresse.
Un esprit en particulier avait VU la vérité.
Le Roi Joseph, au plus profond de son émoi
s’est endormi soudain
et l’or de ses paupières
battement lourd des pierreries
a perdu l’éclat dur, si dur
de ses yeux
Le Roi Joseph, roi nègre,
demeure à dénicher, à défricher, à défétichiser,
et son histoire est grave
de ne pas pouvoir autre chose.
Engoncé dans sa cave
il remue la lourdeur de son or
la lourdeur de ses jambes
la lourdeur de ses cannes...
...et son or qui s’en fout
et le Roi Joseph qui s’en fout
et le ciel qui va bien et qui s’en fout
et le Jean-Foutre qui s’en fout
et...
Bli...
et je buvrai à la blictoire
à, à, à la blictoirisation.
Non, non, vous n’avez pas compris,
il s’agit d’un trop-plein
d’un panaris qu’il faut vider
avant qu’il ne vous vide.
Blictripation, trapèze montant en droite flèche, maintenu par des clous.
Sur l’homme, un conseil : la glapénurie.
Un peu simplet, non ?
Vous verrez, il s’agit de s’habituer.
Ega, des chœurs joyeux ?
Moi c’est Limpadosque, le cheval à trois pattes.
Et ils continuèrent à blasphémer,
comme si de rien n’était.
Or
Bulle, bulle de zinc, de plomb, de feu jeté de bulles
Bulle, histoire parodiée au centre de l’astre
Cliquetis d’or massif et poli
par les années d’usage
Or, or mystique, iris de mes prunelles
billes si parfaites qu’elles sont en suspension
Or, clepsydre de nerfs,
gargouillis de cailloux
adoration du dieu-mage
abandon aux chairs incrustées
émulsions et pulsions des coulées flamboyantes
Or, ciel mystique, images en zébrures-éclairs
éclaté au sein des noirs que Dieu
a près de lui
Or, palais que des dieux pâles habitent
leurs cheveux blonds dressés en puissances meurtrières
Or,
appel de l’exorcisme,
coulées bienfaisantes des cerveaux occultes
emblème finement ciselé de l’Adolescent
homosexuel
Or,
reniement des corps et de leurs formes lourdes.
Le Castre
Les morts ont remplacé les clèbes
dans les nus de nos é...
Le groupe des songes étrale le ga
et sano rapplique dans no.
L’eau des MOI surplante, à n’en plus finir,
l’étiage des go
et salit la moisson, crapulage infect.
Vote direct et libre, on laisse la soupçon et défait de nos yeux,
rime de la moisson.
Champignons de nos la, le castre éteint son œuf,
fatigue le vouloir de na bo.
Les yeux baissés sur ton calvaire d’ombre
Ton esprit est marmotte
Ô chercheur dans l’Inconnu de toi
Tu ris et ta bouche, tes corps mêlés
Disloquent leur langoureuse pause
Le sommeil n’est, dans l’irréalité,
Qu’une pause plus longue
Dans l’orbite de la mort.
Foncièrement galant
Ottentot, le roi des torpilleurs de sacs, fâché de représailles, estime la croix venue d’être son propre bonheur.
L’agonie au centuple étate cet aspect des choses.
La charnière accouplée est un ressort infime, comme idéal du mot.
Emango, poète chilien, mort au travers d’une poutre, est là pour lubrifier le sel.
L’aspect neutre de la foule : mange, bâfre et goinfre.
Cassandre, la vieille folie, habite au premier étage de la porte Ottentot.
Elle va faire les courses tous les matins, et se dépêche de raconter l’histoire.
La Fourbe l’entoure d’un destin de prêtrise. Il n’est rien de plus faux :
L’Ottentot était étêté.
Pardés de rouge-noir
montés sur les toits du plus Haut
des ailes noires chevauchantes
pour tournoiement d’idées
Insensé qui tente encore d’y pénétrer
Et le poison est toujours pour lui
source de majesté
La parole montée qui s’épanche trop vite
négligente envolée
approuve
ce brouillard
en flammes.
Les apprêts silencieux
Vent
rides
tombe
glisse
sens giratoire
au paroxysme de ma
condition d’homme
la lune s’apprêtait à
descendre.
Et tache d’huile, dicte
les envies aux images d’inconnu
Les transes du temps et de
ma tempe éclatée
Vue la pesanteur d’huile
Un Inconnu qui s’adonnait
au rire.
L’homme tranché derrière la voiture ne voit que l’immense des immenses qui balance encore malgré le sang répandu.
La femme aux lèvres appuyées presque trop fort sent un peu l’acier froid qui pénètre son col.
Et ce serait merveilleux si la vie ne quittait cette honteuse pucelle.
Le remords s’enfonce à perte de corps
à jamais la nuit inachevée
pleure
et le monde couvert de sa chape
respire
Les phares par millions souffrent d’être morts
et le monde abattu
soupire
Tu sais, il n’en faut pas plus pour me désavouer.
Homosexuel et la suite pour adultes. Les hommes l’ont fait aussi il s’en fallait de peu...
J’ai choisi, j’ai choisi, après c’est trop tard. Il est libre lui-même celui qui vient du ciel. Car il est libre lui-même. Qui aurait dit jusqu’où va l’inconnu ?
Exorcisme. Exorcisme
Tique, tique, ti
les inventions
Motus et bouche
Méditation par les crêtes
Collages
Tique, tique, ti
Au gué latrines, au gué
Marseille va traverser sa route par le biais
L’extraordinaire encombrement est à quelques uns familier
Des uns le fait du libre remue encor la face.
Remue... Des uns... un peu...
Et poète enfin la veilleuse tourne
le répit est sans fin
A, B, C, cracher ses mots et des vipères
toutes dégoulinantes
Œdipe est roi enfin
Mais sa conscience est inachevée
Sa conscience de roi on l’a ou on ne l’a pas
LE GRAND CADAVRE REMONTE LA RIVIÈRE
LE PETIT EST TROP BAS
Le hâleur est tout près
Il ne se doute pas qu’il ne va rien se passer
Et pourtant
dans la lune rousse pousse un sexe de cheval
La femme complètera
l’univers regardera
Un danseuse qui s’est dénudée à Hong-Kong
Dans le quartier chinois grouillant d’inactivité.
Sang
Une cerise tuée pourpre en gouttes
de carmin
des lèvres de rose
Des pétales rouges chutent lentement,
lourdes cocardes de vengeance,
sur des plaies de toros,
dans leur sang.
Orgie du regard trouble des dieux
Semonce dadaïste
Un caf’ conc’ tournant
La limite de l’improbable
Une sueur sur un front jaune
Élague des rides déjà pour la mort
L’infini désarme
Ceux que le linceul ne veut pas
Une voiture passe
Dans un circuit très grand
De gouttes bleues
Une autre est déjà passée
La poule pond la douceur nue
D’un œil de porcelaine
Le monde regarde
L’étonnement
Le geste équivoque
Donne à définir
Une politique obscène
Ou de bon aloi.
Le quai tourne — la nuit des pendus.
Le regard des autres. Le muet de soi.
La nuit appelée. Les refuges désenchantés.
Oh, tiens ! La quille de mes jours.
Le regard perdu — étincelante bave.
La nuit des pendus. Eh ! pendez-moi vos cols
Pour la mort.
Pitrerie des jours — drogue des vieillards
Ribambellisée — mythomanisée.
Le quai tourne...
Au retour des idées fixes, tridents et malichettes, écueil des dards désencorchants, tripailleurs, répandeurs sang et vivetés.
Élébore, bitelore, trégolore, les aiguilles sans odeur feront leur chemin dans les chairs crispées. Et pourquoi MOI devant, transparente gélatine ?
Pourquoi l’esprit dessus qui rigole et divague
et des haines des autres se moque et va venger ?
Et l’objet toujours là, indécent et putride, use le cours de ses atomes dans mon regard trop clair pour qu’il y ait la vie...
Le troupeau des yeux
parle tout seul
de la roue.
Des yeux partout
en chuintements
éprouvent leur douleur.
Les vies centrifuges
mentent bel et bien
au sujet du décor :
il n’y a d’Éden, après la mort,
que si l’on naît chien...
ou croque-mort.
Tête, mort, être qui sublime le ciel
Fou le roi qui s’écrase les doigts
de son sceptre
Reptile le sexe il va dans la maison
aux volets d’orage
Dedans il contemple la mort d’ivoire
et casse des objets de valeur
Il est tranquille
Le pouce levé il dort
Sa lourde chasteté de pierreries
au cou comme
s’il ne se doutait de rien
Puis vient l’orage : les chevaux, les chiens, les poules, les salamandres, les dogues, l’échine des maudits, le sang rouillé, la purulence, la vapeur des éclairs, l’agonie de la peur, le monstre aux trois têtes, le tueur à gages...
Et s’enfuit dans la nuit rouge
en poussant des cris de dément.
Dans mon pouls passent bien des choses nuisibles : la folie, la tendresse.
Et je suis fou et distrait à la fois ce qui me console de bien des avatars.
Ma vie, c’est au milieu de la langue qu’il faut la chercher, entre d’immenses horizons de narines offertes.
Les poils poussant à l’intérieur de ma bouche ne m’incommodent nullement, sauf pour dire des méchancetés sur les rats d’égout.
Mais les rats d’égout savent très bien eux-mêmes qu’ils ne font le poids qu’en nombre suffisant.
Les doigts coupés encore sont d’un encombrement... Et leur odeur échappe à tout contrôle métrique.
Avec des tas d’ennuis dans mon gastrique intérieur, il me semble vivre désormais avec des problèmes séparés, minuscules, mais insolubles.
Autrefois je vivais avec des boulets plein les poches, des nègres étanches et difficiles dans chaque main.
Le problème s’est étendu depuis à des miasmes sans odeur, à l’affadissement de certains glauques remous.
Poète, acclame la rigueur
de ta sainteté
Poète le fiel baveux
écaille tes tourments
d’outre-langue
On veut guérir, Poète,
ta lucide inquisition, en vue
d’être compris du monde
On moque, on n’a rien discerné
de ta recherche
On veut la construction bien raide
Poète sur ta corde funambulique
Tu crées l’attraction
On veut sur ta langue des colombes
messagères, on n’a vu que le style
Cependant tes images à toi
sont bien étranges
Elles pourrissent à l’infini
Les poils dans ta voix d’ombre
commencent à pousser
C’est le désert, c’est l’équarrissement
de l’être surhumain, de la
chance de Résoudre
Et tu te perds, tu te perds
dans le diamant devenu sable
Pour toi Poète, ta chance est ailleurs
il n’est que de voir ton âme véritable
tirer sur tes haillons pour rappeler de toi
la céleste envergure
Et tu diras tes messes en ton for intérieur.
Je dors, dans l’univers cosmique de mes reins, je dors
bizarre retenue
Je dors
Mais il faudra sortir de ce mystère tenace
comme un enfant naît à la vie
comme je devrais normalement vivre
Il y a trop de grisaille dans ma rêverie,
trop, trop, trop, enfant condamné à la source de sa mère.
Ce subtil apaisement, ce silence de mort, est pour moi une faillite
Je dors, rêverie que je voudrais maudire
tenace voyance de mon inactivité
Ah, écrire ! Faire jaillir à tout jamais cette substance brune qui m’obsède
ce cri rentré dans ma gorge
cette impuissance morne
Ma vie n’est qu’une couille
avec une peur intense de mes parents
Et cela je le VOIS en des sursauts espacés
Je ne me suis encore que très peu révolté
Mais pourquoi n’en ai-je pas la force
Grisaille des jours, grisaille des nuits,
vieilleries accrochées au regard de la lampe
Entrer dans le monde
avec une femme qui aurait des sentiments de femme
et non
une putain intellectuelle.
Les éclatants tiroirs de mes images d’entrailles ont la douceur nue de tes paupières closes.
Et sais-tu ? Le sais-tu ?
Le monde est sans pareil, sans compassion pour le poète-chose.
Par-delà cette vie d’insouciance et de faim, il y a des jours entiers de pleurs.
Il y a le noir profond et les corps étrangers
Il y a ma nuit et son brouillard de mots
Il y a mon amour et mon impuissance,
après.
Bleue, bleue, la grotte bleue des songes purs où vascillant l’esprit épuré de tout bruit esquive la rumeur qui tremblote toute blanche dans les volutes épanouis.
Le stipule regarde, penché vers son versoir, et nous sommes tout nus
dans la lumière crue
qui tournoie.
Les garderies sonores ont raison de mon œil qui est las de son corps,
rétine pour rétine
As-tu besoin de MOI, l’Insoumis du langage
que coure ta renommée, je crains l’Ange
Les pupilles sans raison ont raison de mon œil, œil de lapin, perlé
Quel langage doux avons-nous de surprendre
La pomme sans soucis guide
et martyr
Les grandes ailes noires
posées sur les étages inhabités
remuent les combles morts
soutenus et putrides
Écrasement doux des feuilles sur l’absinthe
troublée des remords de sang
Trous dans les creux des pensées
qui chevauchent
le rythme lent des métronomes
Cris pour la nuit inachevée
à la lune qui vrille
Je désespère.
Le christ est roi ! Le christ est roi !
C’est parfois, le christ,
une larme qui descend, qui se fige
en pierre des adieux
en étincelle d’autres âges
une larme qui traque la broussaille des douleurs
qui mêle ses rouleaux à l’ambre du sang chaud.
Parfois c’est la nature, les délires de verts, l’orgie désappointante
Le malheur, la vie, enfin tout ce qui court
qui rampe ou somnole.
L’enfer est descendu au plus bas des étages.
Demain, à l’heure où se lèveront
les clairons de l’aurore,
à l’heure de l’étonnante tempête
des sourires figés par le soir,
à l’heure où le corps étrange
des danseurs nus
imposera ses sortilèges
à l’heure où les rayons durs de la boule d’or massif
à coups de métal bouillant
me renverront aux chantiers de Satan
à l’heure où la cavalcade d’airain
s’ébranlera magique pour des foules craintives,
lançant l’affront joyeux
de la mer impudique
aux puritains récifs
Je raterai encore mon suicide.
La Minute du Cadavre
Des chevaux rouges galopent dans le ciel noir, mais semblent ne pas bouger, comme si le sol était un tapis roulant.
Une étoile mord la poussière, des nuages s’amoncellent, très bas sur l’horizon.
Des souris, très vite, traversent des chambres, par milliers, tandis que dehors rôdent des bandits masqués.
Dans une des chambres, un cadavre rouillé attend pour se réveiller un signal connu de lui seul.
(Cependant les souris accélèrent le rythme, de plus en plus nombreuses.)
Une femme attrape sa manchette de suie et crache sur le museau du monsieur d’en face.
Les robes clapillotent, une porte s’ouvre dans la chambre maudite, laissant voir des milliers de facettes.
Le mort :
Agrae adiga drup.
Le boucher :
Un couteau, vite, je me charge du reste.
La veuve :
Oh, ma mère, je vous lècherais bien le cul !
Une intrigante :
Il a fallu que ce soit moi qui bouffe les couilles, comme si je n’avais pas assez des morpions !
(Et en effet on voit une multitude de morpions se frayer un passage entre de gros poils tout gluants, grouillante masse gélatineuse.)
Le chœur des mortes (en noir, tête couverte) :
Agrae adiga drup.
C’est le signal. Le cadavre recommence à saigner, dans un glou-glou énorme de vampire. Une vapeur de sang flotte dans l’air, et s’insinue dans les plus petites fentes, poissant tout d’une pellicule brunâtre.
Le mort :
Fachinah, fachinah, fachinah !
Le chœur des mortes :
Fachinah, fachinah, fachinah !
Elles commencent à danser, dans un murmure d’eau chaude qui gargouille.
La chaleur est intense.
Les Mortes s’agitent dans des sortes de soubresauts rocailleux et grotesques.
Le Mort sourit, sourit, émet une sorte de sifflement monocorde.
Le mort :
Fallait pas me tirer la langue !
La veuve :
Menteur ! Je voudrais te tuer !
Le boucher :
Tuons ! Tuons !
L’intrigante :
Le Partage est à Dieu. Il est condamné d’avance. Béni soit ton Nom, Toi qui me fait me branler à l’œil !
Le chœur des mortes (tout en dansant une vague samba) :
Lagloirétaquipeubaiser.
Un troupeau de chauves passe en jouant à saute-mouton. Il fait de plus en plus sombre dans la pièce, et dans le noir peu-à-peu complet, on ne perçoit plus que le long sifflement du Mort, qui s’éteint également.
Alors un flash douloureux traverse la chambre, assez long pour qu’on puisse distinguer, outre les Mortes à genoux et comme figées autour du lit, sur le lit lui-même une grosse carapace de tortue qui a pris la place du Mort.
RIDEAU.