ALEISTER CROWLEY
WHO’S AFRAID OF GREAT WILD BEAST ?
Un dossier sur Aleister Crowley réalisé par Philippe Pissier.
« Celui dont le visage est sans rayons ne deviendra jamais une étoile. »
William BLAKE, in « Le Mariage du Ciel et de l’Enfer ».
PANZERDUCTION
« Je suis trop grand, vos yeux ne peuvent me flairer », dit la Bête, dont l’haleine avait un goût de girofle; « vous ne pourrez jamais vous fixer en moi, le semeur démentiel, mon oméga avalerait votre cervelet d’oiseau avant la consommation du plus petit sacrilège ».
« ÇA », Joyce Mansour, Éd. du Soleil Noir.
Aleister Crowley (1875-1947) est fort peu connu en France (bien que l’expression de « Bête 666 », dès qu’on la prononce, gâche en général rapidement la quiétude du système nerveux de l’auditeur, pour peu qu’il fut l’un de ces cancrelats s’activant parmi les rangées de grimoires des librairies ésotériques). Lorsqu’il l’est, ce n’est en général guère à son avantage. Faute en est, quelque part, aux biographies alimentaires le présentant sous un jour peu favorable parce qu’inexact, rédigées par de sinistres épaves à la limite de la régression mentale (Choronzon ait leur âme). Ceci dit, « The Great Beast », la biographie anglaise de Crowley par John Symonds, qui fit un certain temps autorité, n’est pas moins glauque, malgré la mine d’informations historiques qu’elle constitue; en effet, souligner les défauts et caricaturer l’image de quelqu’un dont on n’arrive pas à la botte — et qui de plus vous nourrit du fait qu’on est son exécuteur testamentaire & ayant droit — ne me semble pas un signe d’honneur (mais il est vrai qu’en ce domaine mes critères peuvent paraître singulièrement passéistes).
Nous conseillerons personnellement, « The Eye in The Triangle » d’Iraël Regardie (Éd. Falcon Press), et en français « Aleister Crowley, approche historique d’un magicien contemporain » par Christian Bouchet (1), cette dernière et très sérieuse étude ayant notamment l’immense mérite de faire le point sur les attitudes politiques de Crowley, et d’ainsi clouer le bec à tous les sous-doués qui confondent le concept de « surhumanité magique » avec l’image d’un grand dadais venu de Westphalie (ce que c’est que la nostalgie !).
De Crowley lui-même, traduits en français, nous n’avons comme ouvrages que son « Astrologie » (Éd. Dangles) et « Le Livre de la Loi » (OTO, Villemomble, 1986) sans compter d’innombrables traductions d’extraits de livres, ou de textes courts, parues le plus souvent dans des revues à tirage limité, et par là-même difficilement accessibles au grand public. L’on pourra se reporter à la liste en fin de dossier. Signalons aussi, sur le marché, la présence d’un « faux » : « Le Testament Théurgique d’Aleister Crowley », une compilation burlesque de pseudo-rituels égyptiens qui doivent certainement plus à la Loge Fernand Raynaud qu’à l’O.T.O. Enfin, à chacun selon sa misère, à chacun selon ses moyens (intellectuels s’entend)...
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L’on connaît plus Crowley comme Mage que comme Poète. Ceci dit, lorsqu’à l’âge de trente ans, il édita ses « Collected Works », ceux-ci ne comptaient pas moins de trois volumes et environ huit cents pages. Aisément classable parmi les symbolistes décadents, on peut l’estimer influencé par Keats, Shelley, Swinburne, Baudelaire (qu’il traduit d’ailleurs en anglais), Rimbaud, et, on s’en serait douté, le visionnaire William Blake. Il nous semble, d’ailleurs, que « Le Mariage du Ciel et de l’Enfer » (Traduction de Gide, Librairie José Corti, 1981) constitue une excellente introduction à la philosophie thélémite. Dans ce dossier, l’on trouvera plusieurs poèmes de nature différente. Deux extraits de « Rodin in Rhyme », ouvrage inspiré par l’œuvre du sculpteur, à l’époque où Crowley fréquentait, dans le Paris du début de ce siècle, un cercle d’artistes se réunissant au « Chat Blanc » (rue d’Odessa) et qui comprenait entre autres Rilke, Somerset Maugham, Marcel Schwob, etc. Puis deux textes érotico-blasphématoires, fortement rabelaisiens, datant probablement de la même époque : « With a copy of ‘Poems and Ballads’ » & « Chant au Saint-Esprit ». Nous n’avons pas la moindre idée quant à leur origine, ceci dit, certains indices nous portent à croire qu’ils furent directement rédigés en français. Et enfin, the last but not the least, « Leah Sublime », écrit lors des années vingt, à Cefalu, où il avait établi une communauté initiatique : l’Abbaye de Thélème. L’influence du « Cantique des Cantiques » y est manifeste.
Il serait erroné de limiter l’attitude orphique de Crowley aux poèmes proprement dits, sa vie durant l’optique prométhéenne ne quittera pas ce « voleur de feu ». La rédaction même des rituels magiques qu’il mit au point, porte la marque, non seulement de la Bête, mais d’un esprit pour qui le travail cérémoniel n’est pas incompatible avec le sens de l’esthétique. On est loin des oraisons hideuses récitées par des illettrés.
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Le premier contact officiel de Crowley avec la Magie date de sa rencontre avec l’Ordre Hermétique de l’Aube Dorée (« Hermetic Order of the Golden Dawn ») qu’animait Mac Gregor Mathers. Là aussi, au sujet de cette prestigieuse fraternité, nombre d’idioties made in France ont été proférées; l’on pourrait notamment s’appesantir avec férocité sur la carcasse du « Matin des Magiciens » de Pauwels et Bergier — les Laurel et Hardy de la pseudo-vulgarisation ésotérique.
Il va de soi que Crowley possédait déjà une connaissance livresque poussée des sujets occultes, mais, rien ne remplaçant les travaux pratiques, il fut initié (au grade de Néophyte) dans l’Aube Dorée le 18 novembre 1898. Cette société magique avait été fondée en 1888 par W. R. Woodman, W. Wynn Westcott et Mathers, tous trois membres de la « Societas Rosicruciana in Anglia », elle-même créée en 1865 par d’éminents Francs-Maçons et perpétuant les enseignements d’Elias Ashmole et John Dee. Le système initiatique de la Golden Dawn reposait sur une Qabal mêlée de christianisme dans la lignée rosicrucienne, à laquelle s’ajoutaient des éléments de mythologie égyptienne. L’adepte y recevait une formation complète en magie cérémonielle, en symbolisme et en art divinatoire. À un stade donné, il apprenait également la magie énochienne (fondée sur la langue du même nom que des forces angéliques auraient communiquée à John Dee et son médium Edward Kelly, à partir de 1582).
La structure hiérarchique de l’Aube Dorée était basée sur le glyphe qabalistique de l’Arbre de Vie (nous ne pouvons, faute de place, entrer dans les détails de ce dernier (2), signalons simplement qu’il est à la fois le plan d’une cosmogénèse, une géographie du corps subtil, une hiérarchie ontologique où chaque sphère et chaque sentier implique un plan de conscience spécifique, mais possède également des correspondances dans des domaines fort variés). Quoiqu’il en soit, Crowley franchit rapidement les premiers grades.
Nous passerons sur les diverses mésaventures que subit l’Aube Dorée et le rôle qu’y joua notre homme. Signalons, par contre, le voyage de Frater Perdurabo (c’était son nom initiatique dans l’Ordre) à Ceylan où il entreprit de sérieuses études de yoga sous la directive d’Allan Bennett, ex-membre de la Golden Dawn devenu moine bouddhiste. Cet apprentissage du contrôle du corps, de la pensée, du souffle, des émotions, marque un tournant important dans la vie du Mage. Contrairement à ce que l’apparence « libertine » (mais, en fait, tantrique) de la philosophie crowleyenne pourrait faire croire, la pratique de son système magique implique une connaissance et une maîtrise préalables des techniques yogiques, et — Dieu soit loué — la rigueur et la difficulté de ces dernières éloignent vite les dilettantes et les partouzeurs en quête de piments ritualisés. On ne réalise pas généralement ce que cet entraînement psycho-physique peut apporter au contrôle des expérimentations astrales et cérémonielles.
Il convient de considérer le Yoga comme l’un des trois piliers (le premier étant la magie de la Golden Dawn) de l’enseignement thélémite. « Thélémite » venant de « Thelema », nous pouvons dire que le Grand Mot est lâché qui va nous permettre d’aborder la troisième caractéristique de ce dernier.
Au Caire, en avril 1904, alors qu’il était en voyage de noces avec Rose Kelly, se produisit toute une série de synchronicités aboutissant finalement à la rédaction du « Livre de la Loi », dicté à Crowley par une entité supra-humaine nommée Aiwass.
Le « Livre de la Loi » ou « Liber Legis » fut ainsi transmis en trois séances à Frater Perdurabo. Ses trois chapitres sont les trois paroles respectives des divinités Nuit, Hadit et Ra-Hoor-Khuit. Nuit, dans l’iconographie égyptienne, est représentée comme une femme arquée au-dessus de la terre, c’est aussi la voûte céleste où brillent les étoiles. C’est la Grande Déesse du Panthéon thélémite, son parèdre étant Hadit. Nuit, Hadit & Ra-Hoor-Khuit sont à peu de choses près Isis, Osiris, Horus. La définition que Nuit donne d’elle-même (dans le chapitre qui lui est consacré) est assez claire : « Infinite Space, & Infinite Stars thereof » soit ISIS en acrostiche. Elle symbolise l’infinité des possibilités à accomplir. Son parèdre, ou complément, est Hadit, le point infinitésimal et omniprésent, la graine créatrice, on peut le comparer au Soi ou à l’Atma hindou, ou le définir comme « le centre secret de l’âme humaine ». Dans le « Liber Legis » (chap. II, verset 3), Hadit s’affirme de la manière suivante : « Dans la sphère, je suis partout, comme elle (= Nuit), la circonférence ne se trouve nulle part. » Hadit est cette unité infiniment petite qui va explorer l’infiniment grand de sa parèdre Nuit. On le représente comme une sphère ailée au cœur de cette dernière. Il est le « Vrai Vouloir » ou « Vraie Volonté » (« True Will ») dans le cœur de chaque homme. De la conjonction entre Nuit et Hadit naît Heru-Ra-Ha ou Horus, susceptible de se manifester sous deux formes : celle d’un enfant encore à naître, Hoor-Paar-Kraat, ou celle de Ra-Hoor-Khuit, dieu faucon de la guerre. C’est sous cette dernière forme très belliqueuse qu’il se manifeste dans le chapitre qui lui est consacré. Il représente la réalisation de la Vraie Volonté et est le principe du Nouvel Éon. Dans la pensée de Crowley, le monde est régulièrement soumis à des changements d’éons (périodes d’environ 2000 ans). Ainsi, l’humanité serait passée par l’Éon d’Isis correspondant aux sociétés matriarcales et aux cultes de la Nature; puis par l’Éon d’Osiris, correspondant aux sociétés patriarcales et aux cultes des « dieux qui meurent » dont le christianisme est le meilleur mais pas l’unique exemple. Durant l’Éon d’Osiris, la formule initiatique en vigueur est celle de la renonciation et de la rédemption par la souffrance. Au contraire, dans ce nouvel Éon, celui d’Horus (qui présente par ailleurs de remarquables analogies avec le Kali-Yuga hindou), « le Mot du Péché est Restriction » (« Liber Legis », I, 41). La démarche initiatique se rapproche des enseignements du tantrisme pour lequel co-existence du samsara et du nirvana ne sont plus incompatibles. Il n’y a plus opposition entre réalisation spirituelle et jouissance des phénomènes du monde matériel, la culpabilité associée au corps physique est abolie (3). Citons Crowley : « La joie de la vie consiste à exercer ses énergies en une croissance continuelle, en un changement incessant et en jouissant de toute expérience nouvelle. S’arrêter signifie tout simplement mourir. L’erreur éternelle de l’humanité est de fixer un idéal accessible. » Cela nous fait tout naturellement penser à Nietzsche pour qui le bonheur est « le sentiment que la puissance croît, qu’un obstacle est en voie d’être surpassé ». Tout le chapitre III attribué à Ra-Hoor-Khuit est d’ailleurs parsemé d’affirmations d’un nietzschéisme violent : « Qu’il soit tout d’abord compris que je suis un dieu de Guerre et de Vengeance. Je les traiterai avec rigueur. » (III, 3) et de cris guerriers contre les « religions d’esclaves » : « Je suis dans une quadruple parole secrète, le blasphème contre tous les dieux des hommes. Maudis-les ! Maudis-les ! Maudis-les ! De ma tête de Faucon je crève à coups de bec les yeux de Jésus alors qu’il pend à la croix. Je bats des ailes à la face de Mohammed et je l’aveugle. De mes serres j’arrache la chair de l’Indien et du Bouddhiste, du Mongol et du Din. Bahlasti ! Ompehda ! Je crache sur vos croyances crapuleuses. » (chap. III, versets 49 à 54) (4). Selon Crowley, les prophètes de l’Éon d’Osiris auraient entrevu la fin de celui-ci et en auraient été terrifiés. Ainsi, Saint Jean qui dans son « Apocalypse » voit, par rapport à ses critères chrétiens, la Bête aux sept têtes et dix cornes sous un angle horrifiant. Cette bête avec laquelle Crowley s’identifie justement, se considérant le prophète du nouvel Éon, ayant reçu la révélation du « Livre de la Loi ».
Chapitre I, verset 39, il est dit : « Le mot de la Loi est Thelema. » Thelema est le mot grec pour « volonté » (de même valeur numérique, 93, que « Agapé », signifiant « Amour », autre mot grec d’importance chez Crowley) et un adepte adhérant à la révélation de l’Éon d’Horus est dénommé « thélémite ». Pour le Mage utilisant le système théurgique de Crowley, l’objectif principal est en effet de découvrir sa « Vraie Volonté », et de la réaliser; celle-ci n’ayant rien à voir avec le volontarisme crétinoïde du profane : elle est au-dessus des désirs conditionnés par l’éducation, la société, le contexte culturel, etc. En effet, pour la Grande Bête, la quête de la « Vraie Volonté » se confond avec le Grand Œuvre.
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Durant la seconde moitié de sa vie, Aleister Crowley publiera notamment, en plusieurs parties, « MAGICK », sans nul doute l’un des chefs-d’œuvre de la littérature théurgique. Il y expose clairement son système, et y manifeste un esprit d’analyse et d’ouverture sur la modernité qu’on souhaiterait voir plus répandu chez les auteurs traitant de sujets identiques. Il va de soi que nous sommes bien loin, ici, de la racaille traditionaliste répétant sans lassitude — la voix de son maître — les injonctions de René Guénon (dont la tradition hyperboréenne, du fait de découvertes récentes, vient de se retrouver dans la mare aux canards). Deux citations pour atomiser rapidement ce ramassis de cloportes verbeux :
« Mettant entre parenthèses le système capitaliste (où ils voient l’expression du « matérialisme » alors qu’il s’agit là d’une conséquence de l’« idéalisme philosophique »), les traditionalistes continuent à rêver à un hypothétique « Âge d’Or » dont la nostalgie donne lieu — dans leur bouche — à la seule répétition dogmatique d’une érudition : auraient-ils oublié que celle-ci n’est que le cadavre d’une expérience transcendantale immanente contenue chez tout être humain, et aujourd’hui nommée « inconscient » par la psychanalyse ?
« Et comme mieux vaut un mauvais père que pas de père du tout, les voici aujourd’hui soumis à la tentation de menées restaurationistes conduisant à l’obsolète résurgence du vieux fanatisme monarchiste sur fond de « chouannerie », etc... Étant donné les structures socio-politiques inhérentes au Kali-Yuga, ce genre de régression ne peut que basculer dans une fascisation endémique. Et c’est ainsi que l’on a vu certains philosophes et ésotéristes — et non des moindres —, rater leur individuation — c’est-à-dire : rater leur vie spirituelle, être indignes de la signification épistémologique de la Tradition Primordiale ».
Pierre-André Dujat (extrait d’un essai inédit).
« Alors que pour un gnostique la critique ne peut être qu’un moment dialectique du jugement et doit toujours finir par dégager des positivités et des convergences, et cela même sous les aberrations apparentes du monde dit moderne, ces ésotéristes, beaucoup trop portés à sacrifier à la lettre de la doctrine, se complaisent à des dénonciations réactionnaires qui ne sont elles-mêmes que le produit de leur impuissance à vivre les complémentarités et à épouser dialectiquement le puissant mouvement compressif de l’âge « noir » . »
Raymond Abellio, « La Fin de l’Ésotérisme » (Flammarion).
Ceci dit, afin de bien séparer les boucs des brebis chétives et rêvasseuses. La Grande Bête avait mieux à faire que de jeter des anathèmes burlesques sur la psychanalyse ou la révolution française, mais, pour comprendre cela, un peu plus de pratique sérieuse serait sans doute nécessaire à certains.
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Précisément, la théurgie telle que la concevait Crowley est une voie guerrière, même si son aboutissement terminal réside dans l’abandon du magicien à la Divinité. On aurait du mal à définir l’approche qu’il a de cette trajectoire, puisqu’elle est à la fois scientifique et poétique, analytique et zen, rigoureuse et pourtant teintée d’humour (noir, quelquefois) à chaque tournant : l’on peut dire que ce n’est ni ça, ni ça, ni ça non plus. La seule possibilité d’y comprendre quoi que ce soit réside dans le fait de sauter dans ce qui est, justement, l’inconnu. À l’explorateur téméraire (s’il savait ce qui l’attend, il resterait probablement dans son fauteuil), les recherches de la Golden Dawn et de la Grande Bête serviront comme autant de cartes : et si ces dernières peuvent lui éviter quelques précipices — en admettant que ce soit là son destin —, elles auront rempli leur rôle. Dans ce dossier, rendre compte exhaustivement, sinon des facettes de l’homme Crowley, du moins de son système magique, aurait demandé un « Blockhaus » de l’épaisseur du bottin de Paris. Parmi les textes traduits traitant de la théurgie, nous avons choisi d’une part ceux nous apparaissant porter sur les questions d’ordre général, tels l’Introduction de « Magick en théorie et en pratique », « Les Principes de la Rituélie », « De la Magie Noire ». De l’autre, quelques instructions relatives à la pratique magique elle-même — dont le fameux « Liber Astarté vel Berylli » — permettront au lecteur d’en avoir une conception plus claire. Les extraits du « Livre des Mensonges » donneront, eux, une idée de la manière dont poésie symboliste, koan zen, analyse qabalistique et humour féroce s’appliquent à composer un mélange détonant dans bon nombre de textes crowléyens. Également, il nous a paru pertinent d’insérer quelques extraits des commentaires de Marin de Charette à sa traduction du « Liber Legis » ou « Livre de la Loi » (5), ne serait que pour porter la contradiction sur certains points relatifs à la Grande Bête. Ne pas agir ainsi eût été le comble dans un dossier consacré à un personnage aussi paradoxal !
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Quoiqu’il en soit, depuis quelques mois les initiatives visant à faire mieux connaître l’œuvre de la Bête au pays de François Rabelais se multiplient. Dans ce cadre, citons la récente création de l’Oasis « Sous les Étoiles », une branche française de l’Ordo Templi Orientis. L’O.T.O est une société initiatique basée entre autres sur des enseignements tantriques, que Crowley anima jusqu’à la fin de son existence terrestre, et qui se perpétua après celle-ci (6). La création de cette branche (7) ne doit en aucun cas être confondue avec les ramassis d’allumés se réclamant de la Bête (8), mais dont l’apparence thélémite ne sert que de couverture à leur basse sorcellerie.
Annonçons également, pour l’automne 1990, le premier symposium thélémite français, qui se tiendra à Paris.
Aum. Ha
Philippe Pissier, le 14/10/1989.
NOTES.
1. Disponible contre 120 FF à l’ordre de : Christian Bouchet/Domaine de la Butterie/ Château Thebaud/44690 LA HAIE FOUASSIÈRE. Christian Bouchet anime le Camp Eliphas Lévi (autre branche française de l’O.T.O.) et publie par ailleurs l’excellent bulletin THELEMA où l’on trouvera de nombreuses traductions de Crowley. 17 numéros sont parus, tous coûtent 20 FF à l’exception du n°1 : 40 FF.
2. Consulter « Magie » de Francis King (Éditions du Seuil), « Guide pratique du symbolisme de la Qabal » de Gareth Knight (fort intéressant malgré quelques références à la peu ragoûtante scientologie) aux Éditions Ediru, « La Cabbale Mystique » de Dion Fortune (Éditions Adyar), et les documents des « Philosophes de la Nature » et de l’association « Chorus Pratique ».
3. « C’est avec les pierres de la Loi qu’on a bâti les prisons et avec les briques de la religion, les bordels. » On peut dire qu’au niveau de l’Éon d’Osiris, puritain et maquereau sont les deux faces d’une même pièce. Dans celui d’Horus, l’ingénuité libertine est prédominante.
4. Extrait de la traduction de Robert Cousty (Frater Eos).
5. Signalons que cette traduction du « Liber Legis » (il en existe plusieurs) par Lucienne Deschamps et Marin de Charette, et les commentaires d’icelui, sont toujours inédits. Avis aux éditeurs intéressés !
6. Là encore, de nombreuses sottises ont été rédigées. J’ai même lu — dans je ne sais plus quel livre de je ne sais plus quel transfuge mythomane — que le Général de Gaulle avait fait partie de l’Ordre !
7. Entre autres activités, cet oasis s’emploie à rééditer la revue « Tahuti » et le « Liber Legis ».
8. Se réclamer de quelqu’un que l’on ne connaît point ou dont on n’a guère compris l’œuvre est un comportement fort répandu dans les milieux ésotériques. Abellio à peine refroidi, on lui découvre un tas d’« élèves », ayant sans doute acquis ce statut pour l’avoir croisé deux ou trois fois à la sortie des toilettes.