F. J. OSSANG

 

FORGET ME NOT — FUCK ART —

LET’s DANCE (Via Jean-François Charpin)

 

FUCK ART — LET’S DANCE ! C’était le cover title de Grabuge N° 2. Charpin finissait son ouverture à tout ce qui aurait DÛ se passer : « Les jours et les nuits — Soudain il se passa quelque chose — Ils conclurent : les belles choses que nous allons pouvoir faire MAINTENANT. »

Maintenant ! Relisez ! Prenez-en de la graine ! Le Monde est ICI ! Charpin a ramassé tout un siècle dans son poing de kid exaspéré, 3 pages, pas plus, et plein de trous aspiratoires, pour ce qui devait advenir, ARRIVE sans prévenir, comme un k.o. d’Arthur Cravan, et toutes époques mélangées, dans les bras d’une jolie fille, dans un pipper en fuite au-dessus des Caraïbes, ou dans un spider travelling. TOUS LES INSTANTS SONT IMPORTANTS — À CHAQUE INSTANT, SOYEZ MÉCHANT.

Forget me not.

I love you.

Le 29 septembre 1987 fut une sale journée.

« Je serais ennuyé de mourir si jeuneeeeee — Ah puis MERDRE. »

Le 29 septembre 1987 fut une sale journée, encore plus pire qu’aujourd’hui !

Le ciel est bas sur Paris, c’est Octobre, un de ces moments de haut-le-cœur qui paraissent remonter de tout en bas du monde. Rien de très neuf, sauf qu’on se demande si TOUT ÇA FINIRA SUR UN AIR DE ROCK’ n ROLL OU SUR UN BAISER.

Charpin savait dire quand ce genre de couleur nauséeuse venait à nous embuer le cristallin.

Mais quelles belles choses allons-nous pouvoir faire maintenant qu’il nous laisse seul en face d’une croix de marbre !

L’ART EST UNE SOTTISE — qu’est-ce qu’on était sincère quand on mentait ! Tandis que là, maintenant, j’ai l’impression de plus savoir mentir. La tragédie tourne à la mauvaise trace farcique, et ma cervelle, en purée de neurones.

J’ai des larmes de crocodile, j’oublie tout,

j’ai perdu mes notes — je voudrais juste dire par cœur Flowers of Romance. VENGEANCE ! ’faudra rééditer ce livre de Charpin, et puis surtout publier tout ce qu’il entassait dans sa corbeille à Saint-Mandé... VENGEANCE !

Dire qu’on a gesticulé plus de dix ans sans se douter que c’est l’obtuse assiduité à nier le vide qui nous tenait lieu de morale ! Charpin a visé juste, frappé fort, mais c’est trop vite, c’est trop vite, qu’on dit toujours quand c’est trop tard !

« Quatorzième Section, Deuxième Carré, Mur Extérieur, vous pouvez pas vous tromper », qu’i m’a dit le zèbre du cimetière de Pantin Commune. J’avais l’air de quoi, avec trois lys, deux iris, et deux roses à la main, à traîner le pas sous un vent glacial, et sans trouver la pose qui aurait convenu !

On se refait pas, j’ai même hésité à faire un signe de croix, tellement j’aurais voulu que Charpin soit avec les anges. Mais je me suis dit tout de suite : TOUS LES INSTANTS SONT IMPORTANTS — À CHAQUE INSTANT SOYEZ MÉCHANT !

Quand même, c’est pas juste ! On n’a même pas eu le temps de boucler l’éditonal de Grabuge - Les Dents Blanches ! Ç’aurait été le brûlot qu’on attend tous — Paris la Gâteuse sous un véritable orage de MERDRE !

Au lieu de ça : « Jean-François Charpin 1957-1987 » ! Oh, et puis MERDRE !

Il n’y a pas de hasard. On s’en rendra compte quand tout sera publié. Charpin a bien eu tous les crétins.

Ce qui est vraiment bête, c’est que je n’ai presque pas de photos. Les filles craqueraient. Il était beau comme Rigaud ou Cravan, un éclair de swinging chaos dans le regard, avec les yeux gris de Céline. J’suis sûr qu’il nous a posé un lapin pour une partie de karaté avec Pascale Ogier. Sacré Charpin, une fine manchette avec ça !

C’est vrai, au fond : Que sont devenus les Sex Pistols...

Je l’ai connu en 76, quand il habitait 10 Rue de l’Odéon. Il m’en a tout de suite fichu plein la vue — imaginez : c’était l’ami intime de Glen Matlock, et il tapait ses riffs sur la machine à écrire que Sylvia Beach avait filé à Hemingway à son retour d’Espagne. Une class d’international heroe, pour être juste !

Le plus pire, c’est que le 29 septembre, quand il a fait son blitz cardiaque dans la rue, j’étais pas ici, je tirais les sonnettes de l’intermonde, Madrid me donnait des fourmis plein les membres, et je ne savais plus quelle surprise j’avais promise à Charpin... Pourquoi pas une boîte de Fringanor pour arroser dix ans perdus dans les rangs des Legend’s Korps, coupés de l’arrière, et sans rien devant, sinon ce vieux projet de se faire le remake du Voyage au Bout de la Nuit en quelques nuits blanches...

Enfin, c’était prévu, puisqu’à mon retour, on devait partir en Angleterre, on aurait été voir Mc Dowell, et puis son copain de classe qui a nom qui sonne un peu italien, et qui vit à Manchester. Peut-être aussi Matlock, et Temple, et tous ceux de la Connection. On serait sans doute descendu à cet hôtel de Paddington que tiennent des françaises, je me souviens plus du nom, ca finit par Inn, c’est 40 Norfolk Square, et les filles nous auraient laissé taper à la machine toute la nuit, surtout quand on leur aurait dit ce qu’on entendait réunir sous le titre générique de GRABUGE LES DENTS BLANCHES. L’idée de Charpin, c’était d’arriver à se faire éditer chez Lebovici. « L’Amour n’est-il valable qu’en période pré-révolutionnaire ? », c’était la question qu’on ne formulait plus depuis Asger Jorn et Debord, mais qu’on se serait certainement posée lorsque Boring London ’s burning. La p’tite Lydie serait venue avec nous, sûr de sûr, et puis on aurait croisé plein de toutes jeunes sexy ladies...

Vous auriez vu ça, on aurait tout fait sauter selon la méthode TOUS LES INSTANTS SONT IMPORTANTS — À CHAQUE INSTANT SOYEZ MÉCHANT. Alors, si vous ne voulez pas avoir tout raté, Kick your ass reading the fabulous line que Charpin vous expose express en 3 pages, pas plus, — c’est l’exergue à ses Inévitables Œuvres Complètes — je sais, je sais : L’ART EST UNE SOTTISE, mais on est fétichiste, Charpin mérite de dormir sur un catafalque en papier bible. Lisez bien, vous saisirez ce qui compte, au delà de toutes les précautions casse-c... genre « too young to die, too fast to live ». Non : l’idée de Charpin, c’était d’être un classique, vous savez, ces types que les académies dégueulent d’abord, mais qu’elles sont forcées de célébrer un jour ou l’autre, de peur que des kids fanatiques leur mettent le feu à la bicoque !

Sacré Charpin, m’oublie pas, j’ai plus d’ange, et ce soir, i’ fait sacrément froid dans les rues de Paris La Gâteuse !

Forget Me Not Forget Me Not Forget Me Not Forget Me Not Me Not Me

FORGET ME NOT !

 

Retour à Blockhaus Revues

Retour à la page d'accueil