NE TOUCHEZ PAS
À FABRE
Je veux
que ce livre inspire l’horreur, comme l’apparition de la magie noire et des
pandémies et du LSD, afin de toucher du doigt la conscience avariée du siècle.
J’ai poussé les choses à bout, c’est le seul moyen de cerner le mal. Je ne
saurais le faire sans grand repentir.
la fin de la guerre
Kyria je vois ton visage bouleversé dans cette
ville morte et je suis navré
J’ai trahi
J’ai livré
J’ai perdu
J’ai fait toute la guerre
Et je me demande encore comment je puis
survivre au chaos des nations.
prélude
De
beau je m’habille ce soir
je me sens bon et j’ai envie de me battre
L’imagination a perdu le pouvoir
mais avec des amis sûrs je me suis caché
derrière le mont MEZENC
et j’attends
Satan et Dieu
Un seul gredin
Surgissent de leur repère des îles anglo-allemandes
Depuis le début je sais que cet homme-là
veut ma mort.
le succès des armes
Figé
ou errant, le désir me cerne et me brise
Il m’a chassé de la ville, il m’en rapproche
sans cesse
Et me conduit par le détroit de mépris
et de douleur
il m’a fixé pour longtemps
C’est un long siège.
Celui qui fait toutes ces choses
Celui-là je le prends, je saisis ce qu’il
trouble
Et je l’entends dire
Alors la nuit je cherche Kyria
Tout près d’elle je passe en frayage inutiles
Elle enfermée dans cette ville étroite
et presque vide
Plantée devant moi comme un Dieu brute
Devant qui je tourne et je rends toutes
les saloperies du siège.
Nul nom de Dieu
Nul arbre ne me protège
Qu’un amas de pierres concassées
Je rassemble, je force des espèces dérisoires.
prologue
Je fus dans le préau de l’École Alsacienne
où se réunit le grand état-major prussien
À la fin de l’été 1945
Et j’avais imposé à l’ordre du jour le
dépistage des simulateurs
Avant même de commencer mon discours
Je fis passer, arraché au cantique de
la supérieure de Sainte-Odile
un feuillet traçant la carte de notre inconscient
un arbre à deux branches dépouillé de ses
attraits
l’une et l’autre reliant un bordel et une
fabrique abandonnée
Réunis de l’autre côté par un œuf maculé
de sang
c’est alors que le général Los von Kant pourtant confondu s’est
écrié
« Non jamais non je n’ai donné d’ordre
de ma vie
et vous le savez que cela m’est impossible
j’ai trop longtemps vécu à Léningrad
pour commettre une chose pareille. »
la fin du socialisme
Non,
Dieu n’est pas si méchant que cela
Staline me le disait un jour, et vous
pouvez en être sûr
il ne faut pas croire son demi-frère, qui
le disait fourbe et cruel
certes il n’était pas un tendre.
Mais l’assassin de Jaurès, lui, était
un doux
c’est un geste si menu d’appuyer sur la gâchette.
cantate à staline
Mon premier est paralytique
Mon second est épileptique
Et je vis dans la hantise du troisième
Tant je suis pris par les événements
Que j’attends la venue du socialisme.
Bientôt Spartacus sera fusillé
Fabius Mort
Et Justus se
sera suicidé.
Troncs démantelés
Hommes ou femmes tirés par des idoles
sadiques
La foule perdant son visage
Se plaque contre les murs à leur passage
La nuit, quand je ne veux pas dormir
Je demande leur mort.
le désir et la contrainte
Morde
m’a dit : il n’y a plus de Bon Dieu, demain on rase gratis.
À ces mots, je bondis dans l’escalier
; quand je fus sur le boulevard,
je m’écriais : salaud de Dieu de salaud
de Dieu.
Irrité, je l’étais, et furieux.
De l’autre côté, de Borco remontait le boulevard.
Ferme, décidé, courageux, plein d’entrain,
il clamait :
il crimine paga, il crimine paga.
Quand je fus vis-à-vis, je lui répondis
: e lo pagero molto caro,
les flics le laissaient encore passer.
Ce soir, ou il la baise, ou il la tue,
se disaient-ils.
kyria
Très
aimée et très attendue Kyria
Pour vous j’ai sauvé la fortune de l’Europe
Elle se cache quelque part à Sceaux les
chartreux derrière les tombeaux
J’ai trompé la vigilance des lesbiennes
anglo-saxonnes qui montent la
Garde à Heligoland
pour maintenir le Trésor de Himmler
De nuit et précipitamment
J’ai ramené à Louxor l’Obélisque dépareillé
Je suis Chamahot
l’obscur
J’étais consul à Alexandrie.
fragment d’une crucifixion
Alors
le Fils de l’Homme poussa un immense cri
Eli, Eli, Lamma
sabachtrani !
un si grand cri que la terre toute entière
en frémit comme
d’un frisson d’épilepsie,
un si grand cri que le silence infini en
écho plaintif à cette plainte répondit :
mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné
?
Alors, tous ceux de la terre
les grands et les petits
et la foule à gauche
et la foule à droite
tous ceux-là qui ce matin hurlaient encore
« à mort ! à mort !
crucifie-le » insultèrent toujours le Christ.
chamahaudes doed
Grimpez
les escaliers
Ouvrez la porte
Le premier cadavre à gauche c’est moi
et c’est Dieu qui m’a foutu là
Dans ce bordel à franzouzes
J’étais parti à Dallas disputer les championnats
mondiaux
Toute la ville était tenue par la police
chrétienne
Et la John Kennedy Society voulait me
déporter avec les Juifs
dans une terre de préférence inhabitée située
du côté d’Arkhangelsk
Sous la surveillance de la police internationale
des mœurs
Salauds d’extrémistes !
L’Ombudsman
de Stockholm m’a traqué dans toute sa ville
Il avait disposé sur tous les ponts de
l’Artilleriegoatan
les colonnes de ses brigades centrales pour
tirer sur moi des balles dum-dum
Ils ne m’ont jamais pardonné d’avoir
arraché à la reine de Suède la liste de ses péchés et de l’avoir noyée dans
le port de Stockholm.
Ils redoutent le jour et l’heure où je
livrerai
l’Europe aux colonels mongols pour la faire crever
de plaisir
En attendant les Américains refusent
toujours de soigner ma maladie
(c’était une
syphilis imméritée dans un bordel de la Nouvelle-Helvétie)
Ce qu’ils veulent, c’est retrouver mon
corps pour le percer et le transfigurer de toutes parts
for his salvation
and souls immortality,
ont-ils dit
et leurs kremlinologues veulent s’emparer
de mon cerveau pour retenir ma mémoire fantastique
mais commettant ce crime, ils feraient
immédiatement resurgir tous les blindés et les navires engloutis pendant la
guerre de 39-45 et les morts gelés qui servaient de poteaux indicateurs sur
le front d’Ukraine se mettraient aussitôt à parler
Sachant cela, Staline aussitôt fit masser
300 divisions blindées soviétiques dans le Caucase
Ce qui fit réfléchir longuement l’Amérique
Et vraiment ce jour-là Staline dissipa
le malheur.
Dieu de dieu mes tempes brûlent toujours
et tous les membres de mon corps craquent
comme les vieux ponts
usés par la guerre et par l’indépendance
c’est une doctoresse anglaise qui m’a donné
les premiers soins.
Vingt ans plus tard les extrémistes du
7e jour sont revenus
ils veulent imprimer sur mon front le tau
liquide et la croix gravée sur leurs murs d’acier
les cons, ils ne se figurent pas que je
suis le soleil !
nuit et jour sans sommeil
Big Black Big
Morde m’a dit :
Avec les nègres, avec les Juifs, c’est
toujours les mœurs.
Si je le sais, moi qui fus juge arabe
à Blois
Avant de devenir l’interprète de Hitler,
Staline, Litvinof (Finkestein).
Je vois le jour où la fortune foutut le camp de l’Europe.
Ce jour-là, aux floralies de Leipzig,
Hitler et puis ses S.S.
déménagèrent les comtesses Von, les comtes Zu, les sieurs Pour
et les dames Contre, parce qu’ils croyaient
encore.
C’est ça qui ?
Vous savez Himmler, je suis protestant
et je ne mens jamais
Alors rendez-lui la tête de l’Empereur que je lui ai ôtée
Avec les Juifs, c’est toujours les mœurs,
Me répondit Herr Himmler
Nacht und nacht Schlafenlos.
le dernier congrès
pangermanique
Je
vis Goebbels effondré ne sachant même plus où il en était
Me demander s’il se pouvait être
Que Dieu soit méchant
« Comment, lui dis-je,
Un homme de votre culture
Vous l’ignoreriez ? »
Épuisé par la conversation
Je suis allé me branler
Dans le potager de Gœring.
la chute
du troisième reich
Je vis les rescapés de la grande partouze
qui précéda la chute du Bunker
Ricaner sur le pont du dernier bateau
de la Kriegsmarine
Avant de pénétrer dans les bordels sous-marins
d’Amsterdam
Salauds de boches !
Avec leur Théologie allemande
Ils vont nous foutre dans la merde pour
mille ans.
cantate
À
la fin du siècle dernier, je sortis de l’abîme où je dormais
à plat-ventre, tout près des
morts.
Maintenu par le dieu Bon
à la fin j’entrevis sa ruine m’illuminant comme un dément
sa fortune
Comme il n’y a plus de Bon Dieu
il n’y a plus de bousbirs
et il n’y a plus rien
Maintenant, si vous l’avez voulu : voici
la guerre.
la fin du gaullisme
Je
vis le maréchal de Gaulle dans son refuge
à Madagascar
et tout près de lui et non loin de chefs-d’œuvre
en péril
Malraux très anxieux
« Jeune homme respectez donc le XVIIIe siècle sumérien et aussi le XXe
qui va bientôt finir »
De Gaulle me dit : « Si j’ai conduit
la France à son lit de mort, c’est que depuis Munich je ne comptais plus ses
trahisons »
Madame de Gaulle, pour le distraire,
tenait un bureau de censure
Elle ne comprenait absolument rien à
toutes les cochonneries
qui pouvaient se dire
mais elle les lisait pour voir ce que cela
dégage
D’interminables querelles opposaient
son mari aux juifs malgaches
Avant que je ne parte
Malraux me dit
« Si j’ai agi ainsi
C’est que j’aime à la passion les religions
de beaux vieillards ».
complainte
d’un vieux missionnaire
J’assistais
à la dernière rencontre des intellectuels juifs et des banquiers allemands
Fallait-il maintenir la soumission de
la femme pour sauvegarder la civilisation ?
Vingt ans plus tard devant le parlement
britannique
Je l’ai dénoncée comme l’être suprême
de trahison
C’est à cause d’elle que nous perdons
nos colonies
et j’entends encore les vieux coloniaux
qui me le disent
Tandis que l’homme se crève la peau à
ouvrir des routes et bâtir des hôpitaux, la femme s’en va à la maison rosser
les nègres
Nous sommes trahis de toutes parts
La femme refuse la soumission.
homo faber
Salauds
de Fabre et fumiers d’intellectuels, ils vivent parmi les vipères lubriques
et les rats visqueux
Ils détiendraient un sérum de vérité
Toute leur poésie est une infection
Ils savent tout et le principe de plaisir
ils le connaissent
Mais Staline a dit « ne touchez pas à
Fabre » et Staline était un grand homme.
Leurs épouses sont anglaises
et quatre de leurs beaux-parents sont juifs
eux-mêmes, il sont pro-juifs
Financiers sans scrupules, ils financent
la prospérité française
et sans eux Nasser ne pourrait vendre son
coton
Mais Staline a dit « ne touchez pas à
Fabre » et Staline était un grand homme.
Conseillers secrets de l’assassin de
Jaurès
et confesseurs des criminels de guerre
Ils en connaissent tout le déclenchement
Aussi le jour où Staline a dit « ne touchez
pas à Fabre »
j’ai voulu sortir le couteau à la main.
morde entre au crazy
horse saloon
Quand Morde entra au Crazy Horse Saloon
Tous les hommes se levèrent en l’acclamant
« The King ! The King ! The King ! »
Puis il entra dans la loge de Rita von Tannenbaüm
En criant
« Schultz !
Pour toi je viens de trahir ma patrie. »
élégie
Où
sont ces maisons maternelles et ouatées
ces redoutables demeures où règnent la liberté
et la douceur des mœurs ?
Les soldats, les marins, les mendiants
les ont-ils emportées ?
Traînant avec eux, et l’or et les cordes
et les armes volées
ils s’en vont vers des lieux et des mots
arrimés qui les appellent et les confondent.
la nouvelle libération
Je
vous dis la Franche Vérité
Les blindés sont partout
Camouflés
C’est leur coutume
à Arras (à proximité de Calais) et cela Guy Mollet le sait
à Rambouillet
Les artilleurs, les docteurs, les imposteurs
sont partout
Garde à vous !
Ne vous laissez pas faire
Sinon les martiens viendront pour vous
réduire en esclavage
et s’ils le consentent
ils voudront bien vous civiliser.
centurie
À proximité du désert
Et non loin d’une usine de confiture
installée pour faire disparaître
les relents de nazisme
une délégation soviétique est survenue pour
me voir
Elle savait que la négociation serait
longue et délicate
(J’ai autrefois saboté le baptême du
petit Staline)
Surtout, m’a-t-elle supplié, ne faites
pas de peine aux protestants.
dernier avertissement
Surtout ne touchez pas
à Fabre
Staline le répétait sans cesse
Car derrière Fabre, la Provokationpolizei
et la police montée même avec ses chiens
de fusils et ses chiens de bouchers
ne pourra jamais rien contre lui.
la vie fabuleuse
de frantz degunius
À la fin Frantz-Julius
était las d’écrire dans les feuilles hostiles à la classe ouvrière
Il ne s’y reconnaissait plus
Que fallait-il à difficile un L ou deux
L
deux ou trois M à nommément ?
Il feuilletait avec félicité un dictionnaire
Bientôt il aurait cent mille yeux pour
voir
Comment cela lui était-il venu ?
d’abord il fixait des mots, créait des phrases
Prenait des attitudes à la manière dont
son père autrefois s’apprêtait
à suivre les ruelles secrètes et feutrées
Muni du doux langage il cingla vers les
îles fortunées
où l’on se souvenait encore de l’esclavage
Chez lui le vice lui procurait l’oisiveté
On le disait Juif mais il était gitan
Il était de fait sans patrie, donc sans
tradition, donc sans morale, donc sans principe, donc sans scrupule
Il vivait dans une ataraxie complexe
Il passait souvent voir les médecins
Quand vous vous branlez Docteur, demandait-il
vous vous branlez doucement ou rapidement
?
Ô très rapidement, répondaient invariablement
les docteurs.
À ma quatorzième syphilis je me répandis
dans le monde.
l’assassinat de monsieur
valery giscard d’estaing
dans les chiottes de sciences-po
Les flics m’ont arrêté
Ils m’ont foutu à poil
Ils ont vu que j’étais français
Ils me laissèrent descendre les Champs-Élysées
comme je voulais
Ils me confièrent par la suite le soin
d’assassiner Monsieur Valery Giscard
d’Estaing dans les chiottes de Sciences-Po.
Paris en était devenu d’une telle puanteur
Que les Ouolofs, attirés par les odeurs,
Venaient par rames entières se masturber
dans le métro
À la grande fureur des curés et des belles-mères
Qui vociféraient dans les couloirs du
métropolitain.
notre retour en europe
Revenus en Europe
fuyant l’Amérique et ses négro-analystes
nous formions un couple étrange
fuyant les blancs et la face noire des choses
nous pensions trop de la liberté
Par l’Europe en flammes, nous pensions
atteindre le désordre et le génie
des grandes cliniques suisses
Mais nous fûmes retardés par dix mille
tankistes soviétiques
se profilant partout comme des ombres
à la fin nous fûmes cernés dans le saillant de Koursk
Alors la magicienne aux cheveux de lin
qui défait la colère des panthères noires
différente
à cent mètres de cette foule dure et hostile me dit
« Laisse Morde, laisse, je ne t’aurais
fait que du mal ».
segretissimo
Sentez-vous menacé de mort
Si vous voulez comprendre ce récit
Par un stratagème des occidentaux je
fus arraché des monts de la Margeride
et transféré de la zone 5 en zone 6
Mais parce que je suis borgne, ils m’ont
traité comme un salaud
Moi le dernier chercheur et le dernier
agent secret
Et les plus féroces d’entre tous furent
les Français
Furieux et jaloux d’une logique qui leur
a échappé.
Et pourtant en moi tout le pays avait
confiance
Dames, Évêques, Préfet, Général, tout
le monde me traitait sur le pied de la plus complète égalité
Avec moi, on déposait tout souci, malgré
les ravins et les éboulis que produit le moindre orage
tant je connaissais ce pays où je m’étais
attardé.
À Budapest dans la nuit de la première
guerre mondiale
(Monsieur Kalle
de Bieberich me l’avait depuis longtemps déclarée imminente)
Nous n’étions pas loin de l’hôtel Ungaria
toutes les frontières étaient bloquées
Une jeune femme
Envoyée par la famille royale de Madagascar
me dit « Morde revêtez le manteau de zibeline
vous avez une âme à sauver »
et puis elle disparut
plus tard, je devais retrouver sa trace grâce
à un porte-feuille
volé à la libération que j’ai toujours gardé
par devers moi
*
* *
C’est un soir
que Dzorg est venu
Il me pria
de le conduire :
— « Je suis
le fils d’un président de la République assassiné
la réalité est
un devoir d’État » —
S’ils me poursuivent,
c’est parce que je connais pardessus tout les graves menaces qui pèsent sur
le monde
Sous le poids
de l’Humanité la croûte terrestre va s’effondrer
L’Assistance Sociale, la lutte contre la délinquance, l’Hygiène, le modernisme et le dynamisme général
Font encourir
un sérieux danger aux activités traditionnelles qui s’occupent de ce qui ne
va pas.
Police, maintien
de l’ordre, Justice, avocats, avec leurs journaux tout préoccupés de scandales
et de faits divers
Et le clergé
qui avec ses liqueurs empoisonne le monde
Informés de
mon projet les Américains et les Russes
M’ont offert
un pont d’or
Le Vatican
était dans une détresse profonde
Le Pape était
au bord du suicide
L’ambassadeur
de Pologne me fit mander dans son ambassade
Je le vis allongé
sur son bureau un cigare à la main
et de l’autre
dans le vide un verre de cognac
vous êtes fou si
l’Europe songe au bonheur absolu
Elle se mettra
à dos les flics, les médecins et le clergé
Ce sera une
faillite sociale retentissante si le bien absolu triomphe
Prenez garde
! les seigneurs de la religion engagée, de la religion
enragée et de la prétendue réformée ont contre vous
Le Dieu des
armées va écraser vos barricades
Et songez donc
qu’il faudra procéder au reclassement des parlementaires blackboulés par le
suffrage universel
Puis se dressant
sur son Séant, il me dit
« Jeune homme
mieux vaut la fornication que la procréation
Trop de Chinois,
Hindous, d’Américains vont faire craquer le monde
»
Je lui dis
que sur ce point j’étais d’accord et que j’étais sur le point de trouver un
sérum d’immortalité que je tenais à la disposition de ceux auprès de qui il
fait bon vivre
Je commis l’erreur
d’en parler au docteur Lecalacan
Tout préoccupé
du principe de plaisir qui me dénonça
Et dans la
nuit du 19 au 20 octobre 1939 où l’on fusilla
Trente mille
intellectuels
Parce qu’ils
refusaient obstinément de travailler
Je me suis
enfui de Paris
*
* *
Morde
conduisez-moi en Afrique
Je ne puis
rester ici
Tous les maires
de France et de l’Almandois m’ont poursuivi
Une étrangère
est votre ennemie
M’ont-ils dit
les salauds et les calomniateurs
Et ils m’ont
prié de déguerpir
Il ne me reste
plus qu’une chance
Kyria est en Afrique
C’est elle
qui du haut de l’escalier métallique de la faculté de pathologie
En se détachant
d’un groupe d’amis me dit
Dzorg c’est vous
qui avez raison
*
* *
Or
moi Morde
Je connais
l’Afrique
Tout part au
galop
Les mœurs y
deviennent si libres
que j’ai même
vu un colonel
pourtant le père du
régiment
se branler devant
ses tirailleurs sénégalais
Il faut surveiller
sa femme
tout comme sur
un bateau
J’ai connu
la maîtresse belge du dernier gouverneur du Congo
Gabrielle Matata
qui disait à son
amant (un bâtard de Kropotkine)
« Sois un peu
plus Romanov »
Messante Gabrielle,
disaient d’elle les noirs
Depuis ils
sont devenus un peuple-mélangé de
brutes et de neurasthéniques
*
* *
J’avais
dû fuir la France
Et partir de
Bordeaux
Pour avoir
fait l’amour avec la fille de l’Ambassadeur de l’Allemagne
de l’Est (c’était à l’époque un pays neutre)
Les vieux flics
bismarkiens qui n’avaient pas été admis au siège
de Paris
N’avaient pas
non plus admis la chose
Ces vieux salauds
me rattrapèrent près de Château-trompette
On a compris
vous êtes communiste
Nous avons
découvert votre correspondance à Louvain
Les salauds
ils me parlaient de la correspondance
de la Kaiserin et de la tsarine sur mon propre compte
Des échos j’en
avais eus dans une ville d’eau passablement délabrée
Là des ombres
dégénérées circulaient, des groupes
se décomposaient
avec la plus grande facilité
qu’importe !
Cela me permit
de connaître le plus formidable
Réseau d’évasion
Et Dieu sait
si l’Europe en est remplie
« De qui se
moque-t-on et qui veut-on tromper leur dis-je
Je connais
vos rêves
Et cette tête
d’empereur que vous avez laissé flotter ! »
Ils blêmirent
Mais le maire
de Bordeaux trouva cette histoire
Sombre et mauvaise
Elle l’atteignait
dans tout ce qui le touchait le plus
Vendre son
vin aux Anglais toute la guerre de Cent Ans durant
Je dus quitter
l’Europe
Cette terre
où tout se termine par des brouilles, des querelles et des suicides retentissants
*
* *
Un
jour en Afrique
J’ai voulu
construire un pont métallique
Plus magnifique
que la machine fantastique de Leczin en Tchécoslovaquie
Je fis même
venir un ingénieur allemand (nul ne peut mieux faire qu’eux)
Mais qui peut
détourner les fleuves et entamer les forêts africaines ?
Rien à faire
J’avais montré
aux noirs que le pont n’était pas droit
Je leur avais
montré mon fil à plomb
C’est votre
fil à plomb qui n’est pas droit
m’ont-ils répondu
Avec le plus
grand aplomb
Et ils se marraient
Le lendemain
le cours de la rivière était dévié
Ma femme était
partie
La faute de
tout cela en revient au Père André
Qui chaque
nuit apparaissait
Et Kyria devenait de plus en plus effrayée
Elle refusait
toute consolation
Satané Père
André
Qui souriait
d’une manière bienveillante et faisait saillir
Ses muscles
temporaux
Il ignorait
tout de cela
Je le revis
calciné dans son oratoire
J’étais moi-même
dans la merde la plus complète
Toutes les
pires maladies de l’Inde me guettaient
serait-ce le choléra
?
J’allais voir
l’ambassadrice d’Angleterre
Elle avait
toutes les peines du monde à se maintenir propre
Dans son pays
de misère
« Buvez du
thé avec du bacon »
Comme les demoiselles
missionnaires
Salauds d’Anglais !
*
* *
Il
ne me restait plus qu’à rentrer en France
Tout le stupre
de la sérénissime République de Venise
Cette ville
d’ambassadeurs et d’anges querelleurs
Qui m’a laissé
ma blessure ouverte et profonde ne m’inspire pas
Ce mépris et
cette haine que j’ai pour Bordeaux
Cette ville
de toutes les capitulations
Il a fallu
que j’y retourne
Revenu de toutes
les fièvres, de toutes les femmes et de toutes les trahisons
Je passais
des journées d’attente à lire une vie de Jésus-Christ
Sans cesse
recherché par un Jésuite italien qui voulait à tout prix
me soustraire
les plans de la marine de guerre et de son port à Toulon
Jusqu’au jour
où je fus reçu par le préfet maritime
Je tiens à
vous mettre en garde me dit-il
Toutes les
femmes de France exigent votre expulsion
Avec autant
de vigueur la mort du maréchal Pétain
Je pus quand
même prendre mes inscriptions à la faculté de pathologie
Pour moi qui
étais las de toutes les tétanies, des philies et
des phobies
Je pourrais
goûter enfin à cette science humaine
qu’on appelle le
crime
*
* *
On
ne savait pas quoi en foutre
De la santé,
à Sarcelles à Nanterre enfin à Rungis
Chaque année
on la déplaçait
Tout de suite
j’ai compris
C’était le
bien commun qui nous cerne
par crainte d’être
berné
Mais Dieu est
bon
Profitons-en
!
Je l’ai appris
par la connaissance du professeur Barth
Un aliéniste
de la belle époque
Il n’était
pas un mauvais bougre
Mais pétri
d’anthropologie suisse allemande
Un jour
il s’en alla
consulter le docteur de la cambière neuro-calcigraphe
un incapable
notaire
Celui-ci épouvanté
lui répondit au travers de la porte
que ce n’était
pas sur la verge mais dans la tête qu’il avait des points noirs
J’appris leur
mort commune dans un bistrot du boulevard de l’Hospital
Où les agents
d’amphithéâtre discutaient de la meilleure manière de disséquer les cadavres
Je compris
alors combien le peuple français était logicien jusqu’à la mort
*
* *
J’étais
juché sur l’escalier métallique de la faculté de Pathologie
Lorsque je
pressentis quelque chose d’affreux
C’était vrai
Un coup de
téléphone du gouverneur du Blesois m’avertit — la
mort de Dozrgloz
Le suicide
quand ça vient, ça vient vite
et Dzorgloz fait toutes les choses
Dans ces moments-là,
il n’y a plus ni de qui ni de quoi ni de comment qui se posent
Il ne reste
plus qu’une face éclatée à reconnaître
Et Dieu
Seul qui sait
ce qui rend un homme vulnérable
Dzorg gisait dans
la forêt de Sologne
Le pays de
mauvais sort où nul ne sait d’où viennent les coups
Je vis son
corps abandonné rempli d’éprouvettes
Nuit atroce
où Hitler et
sa bande de Jeunes crapules bombardaient Londres sans pitié
Son corps croissait
et multipliait la touffeur de la forêt
Comme à la
veille d’une offensive vietcong
Mais en Afrique
j’ai perdu la notion du mort et du vif
Je reconnus
sa maladie
C’était le
vomito négro
la maladie qui
terrasse les papes actuels
quand surgissent
des scènes de mœurs
Qui se passent
à Rome
Et dans le
monde entier —
Je retenais
mon souffle
et chaque mot
et chaque phrase
qui agitaient
de terreur cette âme et ce corps
Tout autour
prenait l’odeur des champignons et des plantes vénéneuses.
Écoute-moi
Morde
Je sais que
je suis mourant
Puisque ce
que je vais dire ne convaincra plus personne
Pas même la
femme que j’aime
« La littérature
est la Science des ratés » —
Ici retenez
votre souffle vous qui n’avez pas connu la fin de la guerre
Les confidences
sont le miel de l’inspiration
Je reviens
d’Afrique
J’y ai vu l’Assemblée des mauvais hommes et des dieux sous l’égide du
Pape
l’horreur du mal m’a
rendu fou
Dans quel état
sommes-nous ? Morde en quel état ?
J’aime la nuit
Dzorg et la nuit m’inspire
Mes yeux prennent
des lueurs et la haine jaillit sans bavure
Durant les
années sombres
Je suis parti
À Stockholm
je me suis entretenu de la conduite de la guerre avec les chauffeurs de la
locomotive qui venait du nord
Ils m’ont conduit
à la grande maison de plaisir et de repos
Tenue par quatre-vingts
bagnards et quatre-vingts filles de Joie
Là j’ai appris
à connaître tous les feuillages qui écartent les serpents les plus dangereux
Et les fleurs
odorantes qui chassent les maladies
Connaissant
tout cela j’aurais pu fonder un empire calme et religieux à Toulouse
Parce qu’il
y a là une fille que j’aime bien
*
* *
Mais
les poulets-témoins sont venus
ils ont clamé
: les forces spirituelles doivent dominer le monde
Les femmes
se tordaient de douleur
Les hommes
étaient à fleur de peau
Devenu subitement
fou, un officier prussien passait dans les
Couloirs en
criant « Franc-tireur, Franc-tireur ! »
Et un officier
français me demanda si la France n’avait pas trahi —
Sur ce point
j’ai pu le rassurer
Il y avait
encore quelques blancs venu toucher leurs allocations-maladies
Une femme vieillie,
accroupie au bord du Lion de Belfort
buvant une tasse
de café dans un bol sale chantait une mélopée
Je vis alors
autour du bordel défoncé un petit gnome
Qui courait
en marmonnant :
Grou, grou...
Et je suis
parti
Depuis ma traversée
de la Sologne je ne puis plus
entendre ne serait-ce
qu’un cri de joie sans frémir
Il me semble
entendre l’humanité blessée dans son amour
*
* *
Maintenant
les poulets-démons m’ont rejoint
Je vais être
traduit devant le dix-septième congrès panslave
S’il me relâche
je retournerai sur la terre d’Arnim
Là où les hommes
peuvent aimer les femmes et leurs enfants et vivre sous le soleil sans frémir
Afin de ne
pas oublier le temps qui passe
FIN
un coup de téléphone
de staline
C’était dans une salle
de tenue sombre
retenue par vingt-quatre colonels félons
J’attendais un coup de téléphone de Staline
qui pouvait me couper l’inspiration
Kyria me dit « Morde il faut monter »
Staline était écrasé par un énorme dossier
qui visiblement
l’emmerdait
« La mensuration des crânes des races
humaines en voie de disparition »
Pourquoi avait-il fait appel à moi et
non point à la fille d’André Malraux ?
Il était abattu comme s’il venait d’apprendre
Que sa fille voulait épouser un commerçant
De sa voix fluette de séminariste il
me dit, Fabre les élections ça vous intéresse !
Toute présence fiscale constitue une
maculation, lui répondis-je !
À des exilés tchèques
je confiais mon angoisse
Staline est un homme de Dieu, m’ont-ils
dit
Il a rétabli la famille et la religion
pour ses nids de mitrailleuse
Et ne vous reste d’autre issue que l’alcool,
la drogue et les femmes
Non, leur dis-je
L’Afrique son œil bleu c’est le lac Tanganika
Si votre frère part pour un long voyage
Prenez un masque et dansez toute la nuit
vous dissiperez votre chagrin
Il téléphonait
toujours
oui
oui
oui
d’accord
c’est dans la vie
qu’il faut trouver la manière de faire comme si les choses étaient ainsi
et c’est ainsi
qu’il faut faire avec Staline, le Dieu qui trompe
et l’inconscient
trompeur car
Staline comme
Bonaparte s’en tirera par la littérature
Mais peut-on
questionner Staline
comme Dieu
la Bêtise
ou même le suffrage
universel ?
Quel droit
avez-vous à la parole ?
me dirent les
docteurs
Monsieur
vous n’avez rien
rien
absolument rien
et Kyria me dit
Ne reviens
pas là-dessus
c’est irréparable
La nuit approche
Hitler revient
avec ses bombardiers
autour de moi la
mitraille fait
zim
zim
zim
Alors Staline
me dit de sa voix suave :
Interroge ces
jeunes femmes qui me donnent leurs lèvres sans frémir
Ordure de Dieu
et saloperie de moi-même !
Que celui qui me parle
ne cherche point à me convertir
il finira comme naguère ce général S.S.
dans un château d’Île-de-France
où je mis le feu
Vous êtes dans le château
me dit doucement Kyria
c’est vrai je suis en Île-de-France
au temps de la douceur de vivre
empoisonné à l’âge de trente-six ans.
dernier mot
Et Kerenski me dit
Fabre ce n’est pas drôle d’être perdant
Je le vis dans sa propre face