DIDIER MANYACH

 

L’ENTRÉE DANS L’ANGE (extrait)

 

Touchant le Vide. respirant l’astre de l’Être dans sa substance. dans l’œuf de sa renaissance. dans les éclairs et les claquements de la chair des morts. entassés dans ses plis. brisant la voûte où il est suspendu. écartelé dans les essieux de la roue où béant il demeure. Silence du cri dans sa chambre sacrificielle. sphère des voix dans la robe des hivers. de neige et de brillance des nerfs. sur la vitre du givre dans les roses rouges du spasme. Lovant l’obscur venin qui lui mord le cœur et l’enserre dans les racines. Oiseau défunt dans les baves. les écumes de la psyché qui reflue. le libère puis l’enlace au fond des sables. Les lymphes boivent les moires de ses doubles. errant sur le rivage. les limbes se sont retranchés dans le désert. les lieux sont les mille étoiles recouvertes du voile des sangs dans la nuit. La verse du crépuscule couronne le front de nacre. au loin des planètes. L’abîme est une corde dans le puits de son néant. se parant de la salive bleuâtre qui ondoie dans la brume sublunaire. mordu de dents et de courants qui l’éjectent de chaque côté des rives. Il va tumultueux. plongeant puis se dressant. abordant le centre dans sa houle de parfums. enivré et serein. dans ce chaos qui l’envaste le déchire et l’exclut. dans les âges et la mémoire liée au sans-retour. jusqu’à fendre sa peau. Creusant l’énigme future. se déroulant s’avançant dans la clameur et les bris au milieu de Tout.

Trébuchant dans les avens. dans le feu central où il se consume. égaré de multitudes sur les ronciers. au sérail de son âme. entre les quatre piliers qui tranchent l’azur immobile. Sur le lac renversé. la voile flottante de son cœur. robe de bure et de quartz au long du ruisseau menant aux profondeurs. la constellation de son corps flottante sur l’espace. dans les tourbillons des chutes et les anneaux du sang. Devant le friable portail de craie où la passe est creusée dans un bloc de schiste. les Dormants aux cernes de coquillages ensevelis dans la matière se serrent. les ondes s’entrecroisent. Les Levants se succèdent. La masse orangée se perfore. les cinq branches de l’étoile centrale traversent ses chairs au Nord. les écailles de fer recouvrent le sol des landes magnétiques. Marchant dans les empreintes laissées sous terre. gravat de houille. sur les silex. Blessant ses pas sur les marches. les espaliers de coraux. dans les écumes de charbon. Les fossiles cassés des poissons diluviens. Sur la roche plate où se suspendent les rayons. se brisent les retlets. sur la pierre brune torride. Où la merveille a tracé sa carte au stylet. les plans du château sur la table d’orientation. les animaux de la mer ont creusé leurs signes. Lunes fixes de tisserand et des pentacles aux lignes croisées. dans la chair de la chair vibrante sous l’enclume du soleil. quand l’espace se vide. l’astre emplissant le monde. Nulle respiration. dans la bouche de l’esprit soufflante sous le cœur. Lorsque la parole se retire. le silence régnant. Nul mouvement. et les ombres se dilatent. les cris se recourbent. crochets dans la langue. L’Angue plantée sur le tamhour de la peau. Battements et Battements. Scandant l’ordre cosmique. systole et diastole. Empourprant l’horizon. Les lances rougies par les couchants et l’entropie. l’usure. la trame écoulée. la fatigue. l’étouffement. le feu s’ouvrit.

Souffles. Souffles noirs. la spirale. les voix qui tombent. nœuds. trous. dans nos ombres logeant à l’intérieur des sépulcres rouverts. triangles d’eaux mortes. et l’ovale inorganique matière expulsée du nombre. tremblements. succession du corps se lovant dans leurs déchirures. S’avançant. se jetant du haut de leurs bouches en agonie. S’élançant contre l’air. Trajectoire entre les lignes de leurs doubles. sous la voûte telle une dalle d’ailes. sur nous des nuages. Dans la passe obscure où les sommeils libèrent leurs anges. dans la boue de l’humus afin d’en extraire le nom. Boule d’or rejaillie du frottement de l’os et de l’intérieur de l’astre. Au bord de l’antre. Une brume rougie. un brouillard blanc dérivant. une coulée de laves brunes dans les anneaux dont le centre envahit de ses points la figure qui s’aveugle. traversée par le dard de la vue. et éclate et explose. Devant leurs faces inondées de lumière noire. Disparaissant dans l’éboulement. Troncs. nœuds. bustes scellés dans la pierre battante. sur leurs corps morts. sur le rivage reflété au ciel. étoiles de l’aube dans la marée montante. Où la substance l’essence la semence se mêlent jusqu’au secret. Tendu écarté. Ils s’enroulent s’éjectent se mordent se labourent. Puis ruissellent meurent à nouveau. dans l’ordre. là le cosmos par myriades d’ondes les traverse. Les emporte. dans le chant qui souffle en eux. Et s’éloignent dans les rayons leurs membres éblouis.

Laminant les fonds. poussières de sabots son corps. sa nue et le sol blanc. vase du soleil. Oiseau brûlé dans son vol. L’épiant le cherchant. Œil flottant dans le bleu. puis son corps. deux masses se pénétrant se mêlant. puis pureté. les racines du sang dans la rosée. Bain. ses ombres dans les masques. ses yeux de chaque côté de l’Œil. respiration de la sphère des sens. S’éveillant dans la disparition enfin des dieux. puis rien. son corps incrusté dans la voûte. Roche noire scintillante. Mont scié recouvrant le volcan. Mort dans l’espèce. Te dressant dans la faille. Toi deux fois mort (il y a une mort dans la Mort comme il y a des yeux qui s’habituent à la nuit). la bouche retournée et l’or fondu.

Les abysses de cendres. le drap d’or sur ses membres. Se tenant à la proue de son double. Lovant le cœur au long des racines. dans les âges successifs du sol. dans le chaos de ses chairs entassées devant la Porte. seuil couronné de deux serpents d’ivoire. dans les fonds de sa propre voix. lancée en spirale. marquant le deuil au nadir. Pendant qu’il errait dans le visible portant sa mort sur l’autre face. La demeure s’ouvrit. séparant l’ombre et la lumière. La nuit reposa ses ors d’étoiles blanches. dans le vase de l’ange. l’Angue bleutée. L’aile couvrait l’interne surface. L’orage avait cessé. L’or ruisselait dans la pièce éclairée. entre les tours de la merveille.

Ici traversé. rompu. ici emmené dans la forge. dans l’espace aux mille braises du voile aveuglé. Tout est renversé...

 

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