LUCIEN HUNO BADER

 

IDENTITÉ

à Ghemma et José Galdo

 

 

S’effacer

à pic vertigineux

sans haut ni bas

et la peur de revenir

du couvercle mal refermé

 

et la plaie béante

des incertitudes

des clichés transmissibles

pédagogies sans âme

qui brisent l’intimité de l’être

qui broient sans la solliciter

son identité la plus profonde

 

Expulser l’angoisse

tout au bout d’une mémoire

aux extrêmes de l’ombre

dans la ténèbre des chuchotements

là où aveugle

la mort se fait jour

et la lumière plus pure

sous les doigts tâtonnant

sous les signes sans voix

 

Expulser cette Peur

toujours trop bleue

des réminiscences absolues

— trop absolues —

de ce que l’on prétend

si rationnellement

ignorer par-dessous

 

tout —

 

 

Tranquille

 

sur un plan sans perspertive aucune

dans le paysage glacé d’un espace

sans mesure — ni démesure

— Allant, revenant

— Disparaissant, se profilant

dans la lumière, si pauvrement

dans les replis frustrés de l’Ombre

vieille peur morte

dénuée de toute démangeaison

sensualité meurtrie

s’escamotant

dans tous les recoins de l’âme

dans les alcôves labyrinthiques du monologue

s’escamotant

à chaque meuble

aux confins d’une dangereuse poursuite

 

une multitude de mondes pullulants aux trousses

et sa seule réalité

pour unique refuge.

 

 

Liquéfié dans la douleur

ce qui cherche à s’extirper de l’âme

ce qui rend

dingue

crie toujours

au fond de soi

dans la sclérose de toute seconde

cette mélancolie reléguée

aux musées poussiéreux

des suicidances guidées

 

la hantise du temps

des suspicions qui

désespérément se concrétisent

des interrogations de l’impossible

des signes insaisissables

d’un désarroi sans extrêmes

des limites mêmes

d’une

solitude

 

Rêves confondus

dans le lyrisme

d’anachroniques saisons

dans le tempérament

des impulsions contraires

 

Voluptés d’une mémoire

au roulement continu

la houle d’une enfance toujours plus riche

et instants sans fin, en secondes perpétuées

l’approfondissement permanent

du moindre détail

la quintessence des mots correspondant

des musiques en bruit de fond

des visages inscrits à jamais

des meubles qui font mal

et que l’on refuse obstinément de déplacer

du temps, du jour, de l’heure

arrêtée. comme un affront

24 h sur vingt-quatre

jusqu’au

bout. de la nuit — toute —

 

 

Mourance des mouvements

Dehors figés d’un monde

que l’on s’est intuitivement construit

et qui s’impose pour tout désormais

pour toute finalité

la tentation de l’île déserte

où l’on n’emmènerait qu’un...

que soi-même !

qu’une infinité de complexités

d’illusions et de vices rentrés

où l’on n’apporterait

que le témoignage

d’une enfance toujours reculée

dans l’envers des mots

l’inversion des gestes

et l’incision

douloureuse !

de la Parole écrite

ô grand secret

de l’enfermement des chairs

aux cloisons fixes —

 

 

Surmonter

malaise permanent

d’une forme de vie cachée

se maintenant

dans la fragmentation du temps

 

ravagée

malgré la virginité d’une âme

l’acuité à se dire

plus loin que les grouillements

des formules trop faciles

aux intonations mourantes

 

Les torsions d’un visage

au masque nu

le regard qui pèle

la gêne de se décrire

par les yeux d’autrui

de ne jamais s’identifier

 

Surmonter

une respiration mangée

de l’intérieur

 

faire avec son manque —

 

 

c’est la mort même qui laisse des séquelles

c’est le pas qui traîne, l’œil qui se lamente

dans le miroir d’une débauche secrète

vice et coloris mêlés

c’est la nécessité de faire face

la haine du remords

la marche destructrice du temps

l’horreur d’un paradis aseptisé

la hantise d’un enfer sans musique

Que les yeux cendreux vaguant

dans le granit des ténèbres

les apparences pulvérisées

le subconscient révélé

nu

dans son appréhension de l’Instant

s’émoussant

au plus profond de la pensée

vice absolu

c’est l’éternel gargouillis

Au fond de la gorge un bruit de faux —

 

 

Retour à Blockhaus Revues

Retour à la page d'accueil