JEAN-PIERRE ESPIL

 

MAGE         (extraits)

 

 

Joug et marteau. Deux ferrailles se heurtent, le bœuf attirant le ferrant dans un guet-apens.

Le ferrant, hercule de foire, sent les vapeurs de fer et d’alcools ruminer sa lourde face d’homme-métal.

Les deux forces en présence occupent tout l’espace: le taureau bande sa peau noire, le ferrant a chaussé ses bracelets de fer, symboles de grande musculature.

La bataille est intense, l’enclume rougeoyante: les sorciers ont allumé des feux dans la chlorophylle qui craquelle, plusieurs petits foyers éclatent comme des pétards, les différents ciels de lys et de mauve s’arcboutent de concentrés brunâtres.

Luttes.

Ferrant-marteau. Bœuf-joug — Ferrant-bœuf, marteau-joug — (il est des rythmes sacrificiels, aux lenteurs voulues, il est de grands balancements, de réelles présences de rites, de fleurs séchées, de grands tableaux noirs au son magique qui acculent la beauté).

L’organique ébréché s’éteint devant le feu rougeoyant des princes et des sorciers levant leur tête finale, leur crête rouge de sang, la maladie mentale de leurs chevaux à tout jamais rivés au sol des sabots nucléaires, minés par le grisou des tempêtes intimes, rejetés par les boucs et par les fermiers, menant longue vie roide tout-à-fait éclatée au hasard des cirques et cavalcades.

Bataille rangée entre les forces de l’ordre et le pouvoir de l’imaginaire: bilan trois morts, trois clous-rivets rouillés, mille tués de cristal, adolescents nés de vies différentes dans des chambres communes et closes, tapissées de soupapes et de diamants, ou portés en œufs transparents, teinte mauve ou citrouille, dans des billes lestées d’acier trompeur.

 

 

En troupe, les gardiens trébuchent, suant l’hermine et le foutre.

Certains abîment la terre des grands parcs, dans les forêts égorgent les humus outrés de sang.

Minuscules, les apprentis opèrent dans les menues besognes, grouillent, se superposent, ensanglantent les ruisseaux du charroiement des cadavres d’animaux géants.

L’itinéraire est tracé dans la sourde vivisection. Le trajet suivi par les uns, dégarni par les autres, mêle aussi les rigoles, et les yeux, et la soie.

Les ronds s’écartent d’un point central magnétisé, redistribuent le courant dans les profondeurs, assourdissent le rythme disloqué.

Mime de plomb. Lécheur littéraire.

Essaie de s’attrouper à la jugulaire des démons (humains ordinaires crasseux pour la poignée de sons qu’on leur déverse).

La vraie nuit est derrière, sacrée.

 

D’autres sont partis, en vagues imparfaites, aux spasmes de bouchers écrasés par la canicule, liés par le besoin de s’inventer des tigres, des morceaux en folie.

Là ce miroir dans le trou du mur renvoie l’image PRÉSENTE du mur salpêtreux.

Mélangé au goudron des imageries salines, le métal corrompt le siège d’or du pulsionné. Cheval d’attaque. Morte l’aiguille dans l’insecte ventru, où coule le miel ferreux d’outre-monde. Dans tel voyage au centre des nombrils sirupeux, le POIDS des insectes s’impose au travail langagier.

Ils progressaient SOUS les terrains ennemis, symboles des univers codés, en rangs de succulentes écrevisses, dont ils avaient la forme inexorable, la moiteur en bouche.

Le cri du cloporte m’investit une nuit, une nuit de cuir suffocante, et je rampai entre les tôles de méditation baroque.

Le fer, chauffé à blanc, accoupla la carcasse martelée.

 

Le traître rampait sous les racines, faisant briller la terreur des morsures. L’été éternel pesait sur la campagne, la nappe phréatique dégorgea des regards salés, brûlant les cuirs des étrangers du sable.

La rouille coagula toute velléité sanguine, rouilla des limons en ordre de marche,

des érotismes de métal

des stations pylônes d’argent

les mêmes risques que feu le limon.

Ils sont deux, se trempant dans la mousse, tendus vers le reflet tranchant du métal, arcboutés en tension énorme, dos musculeux, peau tordue sur les rocs, délaissée en reptations noirâtres.

Ils sont trois, menaçants, mimant l’attaque dans le dos, traîtres, cruels, pouilleux, en grandes frappes de muscles, tordus, lancinants, bizarres bêtes mordues par les chiens, tendues de chaînes, de fièvre.

Les terres s’effritèrent, rampèrent les statues malsaines, en bouges de colliers noircis de puanteurs.

L’écrivain s’assit sur la marche en trompe-l’œil, eut un sourire jaunâtre, comme pour s’excuser. Les militaires tirèrent sur l’écrivain baignant dans son sang de mercure. Les billes d’argent, intouchables, roulèrent en marques d’effraie, explosèrent interminablement, tirées par des balles de guerre. L’écrivain s’assit sur les marches de cyanure, jaunâtre, moquant les militaires à neuf-queues, à triple-buse.

IL, enfin, écrivit son texte.

Noirceur du soir.

Puanteur des rocs.

Charroiement des animaux.

Lourdeur des cannes.

Le sang brise la membrane de diamant et d’or.

Les sortilèges.

Ces étapes de vie primordiale, l’aura qui en résulte, allongent la durée de la victime, en deçà de la guerre, du viol et des éléments.

Le corps, miniaturisé, échappe mieux aux masques de nécrophagie.

 

Être à l’intérieur de tout acte d’écorce.

Terrifiants séismes que la vie bruissante d’élytres de cuir.

Mon personnage, à vocation d’idiot, marche baigné par la lumière lunaire, et ses mains ont encore les traces de poudre des météorites.

Cette fois je suis protégé, ma prière c’est la gravitation universelle, je suis gainé d’élytres, j’avance vers le lieu de mes rencontres théâtrales.

En même temps je ne suis qu’un seul muscle rouge respirant bruyamment.

Mais cela c’est la vie aussi, c’est la nuit qu’interviennent mes actes illégaux. Comme le fait de piler tout papillon à ailes feutrées, toute mante venant ensuite se vautrer dans la purée de soie.

Tout ivrogne lunaire a droit de cité chez moi.

Il y trouve pitance dans le déhanchement des arbres séculaires, dans l’urine des najas et le foutre des fleurs.

Barbouillés de sucs, engoncés dans la nuit, notre quête est sonore contre les fûts des forêts. À coups de pistils flamboyants nous martelons les peaux, nous apaisons nos corps dans la sève grondante, nous léchons les cailloux : ce sont des pépites d’or.

Les gemmes flamboient au seuil des orgasmes.

 

Gorian, l’enfant de soufre, devient irascible. Tout lui rappelle sa condition terrestre d’homme-œuf au service du réel. Les animaux sont toujours chat, tigre, lion.

Sa gourde à explosifs enfle démesurément, pèle à craquer, décime les troupeaux de moutons qui le suivent et ne comprennent plus, soudain dans la nausée les arbres ont tordu leurs écorces de tisane.

Dans son langage il monte d’une vrille pour assumer la peste, le fer rougi, la lance rouillée. Après meurtre sur commande, il reste abruti et irresponsable. C’était, disait-il, comme un tourbillon de feu rougeoyant, libre de tout contenant, les flammèches dans le sang en position d’épieux.

Et malgré tout, c’était naturel, cette piste sauvage, ce cri, cette ordure.

Gorian, l’homme-loup, accomplit en divers mouvements automatiques, scandés, les rites premiers. Il tire du vide les sons répétés d’un harmonica souple, purs nerfs, au rythme des flammes des évolutions galactiques.

Gorian se souvient, petit, des chambres cotonneuses, molotonnées et closes, où les membranes de diamant, solaires et nourricières, pulsaient l’intemporel.

D’idiots coups de grisou en tempêtes-salives créaient la peur, le manque, l’effroi. Mais juste cotonneuse, derrière et en travers, le rappel de Chaud, Maman et Ondes Salivaires.

Terre ouverte, le temps chaud, le Sud.

La Mordue, la Pierre, la Ferraille (ceci plus tard, dans le monde à heures courtes, l’enfant était soi-disant roi).

 

Il devint Gorian, le Monstre, le Pulseur à Gages, l’Inhumain.

 

Rampant, cramant l’énergie de la souche, du râle des vautours revenus ramper sous serre, sous le vitrail masqué, malgré les pylônes de cuivre qui se déplacent, broyés, et blessent des chairs pâles et musculeuses. La serre, la serre chaude où explosent les fleurs tropicales aux différents niveaux de méticulosité, crachant les pulpes, rejetant le fiel dans les spasmes de la mort surréelle.

Le fond de neige, le trou noir bercé des pépites fauves, des drames d’animaux, de colliers, de jougs, de serres cuites où légumes tombent en cendres, impalpables, laitues carbonisées, la hache des premiers explorateurs de serre.

Cernés, creusant des trous pour la fuite, répondant au nom de gémellité, façonnant les différentes digestions, au fond des puits noirs, sous les souches, les humus cramés, brûlés du feu des squelettes intimes, de l’or, de la forge où l’or bouillonne et triomphe sur les parois où il a giclé, dans le torrent végétal, son frère, son sauveur des lumières impossibles.

Où la chair, au bout, s’enflamme, reconnaissance des deux poètes, êtres diaphanes de la nuit.

Où le noir, l’absolu, vénéneux retour d’enfer, saccage l’irruption du cramé, de l’orcal, noir poisson des profondeurs anciennes où pour faucher le fond il faut calculer le nombre de jets de pierres rejetées avec force vers l’antre où se perd le noyé, qui sème sa laitance, que les femelles d’amphibiens parcourent de longs frissons électriques.

 

Grandeur et nauséabondance

 

De rythmes antiques nous trouâmes les sculptures. Il s’agissait de faire fondre le miel, de l’inciser d’une pincée de cognac, de tracer dans la Voie Lactée un repaire de chiens sauvages.

Ces tripes assises au soleil brillent des mille feux de la putréfaction. Rires des animaux dans lesquels se lit une haine implacable. Les bêtes reviennent aux premières lueurs de l’aube, fracassées sur les rochers mortels. Si transparents les cheveux du plus grand insecte de la région, camouflage. Sa tête, verte et pointue. L’élégance du meurtre.

D’anciennes signatures, aux repères originels. Du sang nous dirons que la source est chaude, mi-drogue, mi-chienne.

Le Chef des poissons revendique l’identité du signe. Pleureuses. Mi-lunes, mi-dévoyées. La guerre est lasse de nos sacs envahis d’orage. Nous avons incendié l’éternel de nous-mêmes, infectieux.

Le jour se lève, Maman revient, me rattrape par le bras, m’étire dans sa longueur de mère souple, tout en bas le phoque lourd respire du cambouis. On est tous placés par rapport à la mort sur un train d’enfer. Envers tout décor il y a des spectres longitudinaux au trajet sinueux dans les serres brûlantes.

Ma liquidité. Mon peu de crédibilité aux yeux des systèmes de scribure. Maman coulait un regard sur moi, sur ma torture permanente, elle me dit en confiant très haut aux chevaux d’esbroufe : « Tu es ce personnage d’argent, ce délirant composite d’individus, marqués de songes épais, roulés dans la poussière bleue dont les vagues de nuit n’atteignent même plus la plus proche des plages.

Tu es pour la vie entre les sonnailles et les esprits, entre la force qui terrifie et le peu de consistance de ta méthode. Tu ne seras puni que si tu le crois. Le crois-tu ? »

Je limitai ce discours, volontairement, à quelques phrases-clés, un minimum d’explication linéaire étant nécessaire.

Puis je rejoignis la TRANSE.

Le granit, en tout cas, m’y invite.

Les minerais, les plus précieuses des chienneries, dites avec le corps rampant des rapaces vocaux. De la poussière de métal, notre être invisible s’émeut. Rubis, émeraudes, l’incursion au centre des pierreries, l’ovoïde parcouru d’effluves épileptiques.

D’autres centres de nuits. D’autres repaires de fauves. Pour creuser enfin le lumineux spectacle des rois et des fous.

Du grand champ: élargir, creuser, étirer, inverser les formes, mourir, élargir...

Au sommet de telles rondes, Nous, avec des barrières translucides, renfermés dans des vasques où bruissent les fantômes du soir.

Ceci très près de la mort. Ceci très près de la mort.

Le corps près de l’innervement total. Ces figures de princes lovés en boule, en demi-teintes sismiques. Très près du nerf de la mort. Plus le costume, plus cette vie d’autrefois, le moindre contact avec l’humain, le vide, me transforme en boule tétanisée, le strict moignon étouffant de mes pores refermées, mes délicates usines à air.

Entre deux peaux, entre deux têtes, j’écartèle, infirme, pâle d’efforts à sueurs froides, mes membres vaincus par la polyo.

L’être ne peut plus avancer, j’entends l’être essentiel, coincé entre deux spasmes musculaires. En venir enfin à toutes ces formes que je n’aime pas expliciter, optant pour un certain mystère TRANSMUTÉ d’un langage filtré par toutes les cloisons positives du cortex.

 

Au sein des marais à odeur de poulpe, des bêtes exacerbent leur rut.

Le brouillard noie les corps d’adolescents en partance.

Dans la vibration solaire les garçons figent leurs forces communes, barbouillés de peintures de guerre, montent dans l’espace, transparents, haineux.

L’auroch dénude sa charpente osseuse, attila à la tête des hordes, s’empale sur le roc poussiéreux, tente d’atroces reptations, y déchire sa toison, loqueteux, rouillé par le sang qui sourd de sa bandaison noirâtre.

À l’entrepôt il y a :

le casque nu du berger, l’hermétique soudure, une masse de chair bleuie, l’ironie mentale, des travers de cristal à casser au lance-flamme.

La neige du mage, entretemps, brise d’infinies couleurs de carbure, les sons délimitent un enclos brutal de laine et de chevaux.

Sacrifices.

Un sang pas frais, torturé d’eau, les veines miroitantes de l’incandescence. Des bonshommes sèchent aux sifflements des meurtres, racornis aux stages du sahel.

Limon poussiéreux.

L’histoire des poudres maléfiques, des humains, des écrivains, des sorciers, des espaces mentaux lunaires, langue tressautée, épileptique.

Morceaux de nuit, de ruts, d’animaux équatoriens. Les insectes redoutent cet instant de terreur, leur ventre se plie au signe des quêteurs de cuirasses.

Le feu à la salamandre.

La salamandre doute, empilée, animal marin dissout dans les salines à rouille. Le feu, la rouille, mêlent leurs puissances contraires, encagées, qui explosent au moindre échange sexuel.

 

 

Les gens posent des questions, eux ne répondent pas. Ils prétendent à la vie pure, au sommet des montagnes, ou dans la forêt rougeoyante, perdus au creux des blocs de satin.

Vie rêvée, du singe et du loup, de l’insecte et du cobra, vie dans la Maison Permanente. Elle, de pierres entenaillées, enrobées de sucs, s’érige en de curieux endroits de la Terre : creux de torrents, cuvettes sinueuses sous les palmes, dans les mages-forêts, enhardie par la tourbe, gainée de liège, appartenance au monde de la Pierre. Il est lourd d’être Ferme, Habitation, mais peu importe quand on Abrite : les cerveaux giclant d’or et de sources, les transmutations, tous les possibles.

En temps normal, en respiration normale, elle donne libre cours à des soufflements tentaculaires : louves, gnomes, idiots, yoguins, iguanes, quelque peintre de l’art brut, des insectes figés en cristallisations sucrées.

Vers le centre de la Nuit, d’autres êtres ailés accompagnent leur déraison. Ils s’assoient au bord des nectars, figent leurs dialogues en de multiples actes indécents, vrillent et s’abattent, explosant avec l’édifice.

Peu d’humains le savent: ce libidineux sucré n’accepte ni les dénonciations, ni les fausses œuvres. Exclus du pouvoir ils ont le cœur en rate et préfèrent l’immobilité comme acte de violence. C’est là qu’ils rêvent, doctent, annonciateurs de levées d’effroi.

Puis, purs nerfs, se recouchent, accomplissent l’action des hiéroglyphes, prêts de nouveau pour le monde de l’iguane.

La Demeure, chauffée en dernière étrangeté, tous accablés de chaleur, dirige ses vapeurs, renoue avec l’espace.

J’ai indiqué que vivre en ces endroits relevait de la plus pure déconnection, puisqu’il n’y avait RIEN. Cet oiseau (rapace ?), planant haut dans l’azur, finira sûrement dans le fournil avec les autres bêtes dorées à saveur sucrée...

Donc l’histoire du VIDE. Chaotique, rampant, l’exorcisme pour tirer le suc. Traquée de toutes parts la musique vibratile souffle de la forge, pénètre les cerveaux à table rase, accule le rythme de sorcellerie.

Le visage des êtres reflète les coups de boutoir : pâle, venimeux, leurs dorures s’écaillent, s’écroulent en plaques de cuivre vert.

Ils halètent, reprennent la marche vers la forêt, texte dans la main qui saigne, la main âpre et miroitante.

Demain, corbeau lent dans la vitesse de la guerre, la nudité comme alibi, joyeux sous la torture, pesant dans l’immobilité, ils allumeront les feux au hasard des têtes, et puis tomberont sur le gros noyau velu, le noyau de transcendance, mais impénétrable, lui dur à coups de coques, trop puissant du centre.

Dans leur demeure, autour du foyer, on crache le feu, on est souverain mépris pour les tâches quotidiennes. Mordue, la souffrance, la mort. (Le garde-chiourme des corps. Sans corps, on vit l’absolu.)

Le grand sabbat des murènes: le soir, vers les heures passives, le calme est passé poli et clos nacré, l’iguane est redevenue pierre, on peut s’isoler dans les déserts sanguinolents. On danse, assisté du péril, on mixe les sons, les horloges défuntes, on lève les corps en soufflets d’ici-bas, on dérive.

Moiteur du classique rêve, le feu attise la transe, l’homme mûr entreprend de se pénétrer: déchire la cloison, entre en langueur propice: c’est la chair au bout, l’organique tremblotis. La merde en saccades, le purin dans la langue des souffreurs.

Attise rapidité, mords l’incruste, l’insalubre, face rouge des crêtes, pile le porge, l’insecte et le poisson, dedans, dans leur suif, leur cargaison d’humides, dedans, au risque des tueries, des cyclopes à foutre.

Êtres pensants, de la nuit, bizarreries des torrents, masques pesants de la danse. Êtres à moi, l’autre idiot, le frère, l’ennemi, la race, Moi je tue, Moi, je relève de la plus pure alchimie, je ne cherche pas à danser le feu, je m’aboulique au son fou des chairs pâteuses et de feu de mes chers idiots, mes dégénérés, ceux d’avant la race des cannes.

Ce visage a pour fouteur le poète, transitoire humide, mixeur des ondes positives. Donc la TRANSE. On s’exclut de la cheminée, du foyer, on marche dans la braise, on percute l’édifice, on irradie les loups-garous, la forêt ensemble mange sa foudre, son masque déchiré sur satisfaction de vert, l’onde pilée, le marc d’insectes d’or, les marais atrophiés, purée, caca, larves broyées, liquidité venimeuse, envol en bracelets du temple.

 

 

Sur chaque carapace d’insecte, la lumière saille comme au bord du miroir.

Le tonnerre se répercute des pattes griffues qui cernent les élytres, accouplées.

Des rats musqués sortent en bandes aux trousses des premières odeurs, des nectars paléolithiques.

De captifs êtres ailés s’enfoncent peu à peu dans le néant et les salives aux sucs violents. La couche de boue et de sang finit par engluer les dernières cohortes en rut, les racines surprises par la nouvelle nourriture. Le bois sec craque, les larves picorées les oiseaux repartent vers la mort, les torrents nettoient les rocs rupestres, les premières peintures. Emprunté encore dans sa dignité, le peintre part vers le marécage, s’englue dans sa déraison, dans les reptiles en boule au sein des vases chlorophylles.

Sa conscience peu à peu s’engourdit, se met en état hibernatoire de réceptivité pure, grave des signes sur la pierre, imagine la flamme, l’or qui l’alimente, qui veille au sein du temple, son organique demeure.

Plusieurs lunes de cris de hyènes et de tigres bulgares et son œuvre prend forme, noire au début et déséquilibrée, et peu à peu lumineuse, rayonnante d’un bestiaire baroque.

La boue coordonne les gestes, en pleine nausée parfois, du risque, du danger.

Comment est née la pierre ? Comment l’or perce-t-il le rêve enfantin ?

Les boutiques, les scories de nos corps qui exultent, au lent balancement érotique. Scories. Joies du très-haut surchauffé, tiges lentes, aquarelles lourdes, menus combats, toutes les heures, toujours en vrilles, en épicentres.

La flamme mérite qu’on la taille dans le diamant, art brut. Toute sauvagerie excusée par ce qui nous fait trop solennels.

Donc le rythme accuse :

Le rythme, le radeau, tout droit, aux dagues d’acier, aux pylônes, vers les très hautes mers, dans le nœud d’organiques sauteries, trépidant à la vitesse des masques.

Tailler les conversations rauques avec l’ailleurs, et puis dormir.

Saisir la douce liquidité, bel être venimeux. La forêt dirige lente ses dards flamboyants, son sexe de sorcier, dans l’itinénaire poilu du cerveau qui l’occupe, le sang des racines.

Puis, dans l’extraordinaire glissement, trouver le mystère du songe, cri minuscule de l’enfant né au début des premières aurores, transcendant le refuge du pollen, lourd déjà de menaces pour la race éteinte.

 

 

Pernelle suit la piste sanglante, mime le coq au combat, avec des bavures, des giclements de haine, transmet la course par la vibration tactile, casse toutes les pattes des chevaux hypertendus, molosse risqué aux cataractes naines.

Et se tord, apitoyée, reprend le risque du glacier, redemande l’étymologie, saxo striant les singes.

Elle suit la piste des œufs, des larves, des boursouflures, enfouie dans l’éclair de ses rages, les mouches à leur tour s’engorgent de sa vitalité, piétinent l’orage, la souche, l’humus, déglutissent leurs larves attachées à leur cul, dans l’hydromel de leur cerveau, minuscule goutte d’esprit.

Piste des œufs, piste des nerfs, piste des os blanchis, décomposition hâtive, des haches étincelantes à double tranchant, des êtres qui vont vers leur dernière transition, leur cimetière des éléphants, et vont déposer leur cocon blanc, putréfié, symbole de survie utérine, et on a fait le tour, et les cercles s’allongent, s’allongent, meurent en rides magnétiques, au-delà du sommeil, des rêves, de la mort.

C’est l’orgie des blancs organes, de ceux qui gavent les renards souterrains, et la Belle s’essuie, la bouche encore gloutonne noyée sous le fard des foutres compacts, elle s’en fout, quitte le cimetière, repart vers les bêtes à sang chaud, vers le cycle infernal, comme si la vie avait un sens...

Connaissant bien la montée des risques, se lave à l’eau froide, corps arqué en position d’orage, s’incorpore des glaçons au teint, pour le frais et les rides sauvages.

Laborieuse beauté. Son double, le Michaël des organes. En fait, cette succession de troubles sensitifs indique une inadaptation. Ah ! Ah ! Les loups sont bien là pour la curée, leur fourrure manipulée adroitement fournit l’électricité bandante...

Pernelle recouvre son jugement de pastilles multicolores, entre dans la forêt comme un pistil dans la guerre des nerfs, se heurte au miracle des éléphants, mais n’y croit guère.

Elle se couche dans les pattes griffues, les nerfs de bœufs sauvages, qui lacèrent la peau, symboles attitrés du sommeil, le grand songe des louves à sexe inassouvi.

 

SUIVRE !

 

RACONTEZ VOS SOUVENIRS D’ENFANCE.

 

Ma mère bat, mon cœur bat, les alluvions se déposent lentement sur le filtre noir des chaleurs. Il est le maître noir de l’incandescence. Mortifié. Sacralisé.

Le foule dodeline du masque. LUI, le Sorcier, l’être qui par-dessus le toit aspergeait nos viandes de napalm.

Se découvrir si jeune et si puanteur. Il travaillait, sournois, en trombes de scarabés, et si jeune, si lourd, si fragile.

Le corps arqué par-dessus les marmites bouillantes de cornues, et le sang d’êtres précieux, miraculés, ciselés. La transe du BLANC venue d’inséminations rougeâtres, en plus d’un impératif de LANGUE, de mixages fous et désirés.

MARTELÉS. Que cette cuisine assassine les oies, nulle contradiction. Que la graisse tourbillonne au centre des convulsions, nul reproche. Qu’on atteigne les broiements juteux du lion, peu importe. Tout cela respire de la mauvaise santé de mes tirs d’érables.

Mes nerfs, si jeunes et si chamois. Accablés de rouge, défilant de tortues en scansions, mordue la lèvre supérieure de chaque pachyderme terré dans des gouttes de sueur.

Si fragile, le bébé. Mortifié par les menstrues de mères sèches à encoches. Dérivant, sur chaque goutte d’os, Lui devint le Terrible.

Tribal. Javelot lancé. Touchés au front gendarmes et voleurs et camelots, beaux parleurs du Mensonge. Ceci nécessairement pur, le dernier des gestes de couleur, avant le blanchissement final.

Quelqu’un, ou QUELQUE CHOSE, canalise l’urgence du lancer.

Dans les forêts, dans les étoiles, martelant le rythme d’un rapide coursier, le plaisir aux tripes découvertes, aux sensations d’atroces reptations... la bête (ou l’être) avançait dans l’incantation de la nuit, froide et chaude, et puissante d’excréments, de demi-lunes, de bordels aux cuisses enluminées, d’étranges carapaces, comme du bois irrattrapables.

Décimés les loups, les chiens, les valets, les mordillés du cul, décimés par de célestes loques empoisonnées, à travers tout le trajet du miroitement des Masques.

MIME.

Le corps s’enfonce dans le corps s’enfonce dans le corps s’enfonce dans l’épieu, dans les doigts, dans le maître du chien, dans la tête du canard, du fils de la pêche, s’enfonce en trublion, en cadavre.

MESSES.

D’ignobles créativités de loups enrobent les lentes aquarelles, se tordent au matin calme, s’évaporent. Reste le cumin, une mathématique terrestre sans grande envergure, un pet de taureau qui ne foule plus les entrailles, l’ours caché dans le cul boursouflé des nonnes.

 

 

Retour à Blockhaus Revues

Retour à la page d'accueil