ÉRIC FERRARI
CRIBLURE
qui
jusqu’au butoir
ferme tenu
cogné
glisse
comme si
nous résidions encore
museau du dedans
à humer
l’humus d’à pic
trois pieux
dans le terrier à paroles
boue et clous pour nous
survivre
Terres scrutées
de piolets glapissants
la ténèbre en bouche
je suis
nu
lampe
qui suppure
nuit
enfouie avec
ma salive de lichen
ça hulule
sous nos paupières
de pauvreté
un mot d’orpailleur
réconfort
cédé
un pouce de souffle
je
te féconde
sous ma pupille
au plus proche de la battue
je te féconde
évidé
Nuit à bleuir
suspendu
L’hiver sur les lèvres
Trou
du souffleur
enlacé à l’oreille
murmurer murmurer
murmurer murmurer
Mur
je suis son visage
lorsque la nuit
me grimpe
Avec tes doigts
je te le
crie
lacet d’hiver
la langue froide
dénouée dans la fente
je parle
aboli
lèvres qui rongent
l’encagement de
la nasse
hors du soufflet
l’éclaircie à
traire
Nuit goulet
dans mon buissonnement
ancreuse raide
L’hameçon bavard
dans la motte à perdure
Coûte que coûte
Remue / Gigote
nuit fourmillante
buissonne ma
salive de termitière
Troué
tondu jusqu’à
l’hématome de lumière
Abeille des noces
ma maison est
trou
Soleil rasé
face
à la coulure
nous apprenons l’alphabet
des sans-sépultures
apprenons le déplacement
seulement cette leçon
dé-pla-ce-ment-
Remembré
terre de proie
je
t’allaite
une douleur désorientée
Cachot
jusqu’à la noyade
Hors
de la remise
à frottis
coulée dure
Visages-pelles
pas assez
tétés
Pas assez
pelletés
Viens
hors de la descendance
Viens
vers l’endroit ventriculaire
Eau exténuée
des muets
la table noyée
nouée de
vase
Table
orifice de
nuit BlancheNoire
Appel / Détresse
O
Retourne-
membrement
Nu dé-
bordé nu
Nu de
nuit ammoniaque dans
la cuisine du
sang
Langue exécrée par
la langue
je lapais ma
langue
Dans le corridor les morts tricotent nos traquenards. Les mains passent aux aveux.
C’est la langue essorée, la langue raide d’entre les dents, projetée pour les orphelins.
Neige qui affame. Neige qui cloue dans le silence. Sépulture mendiée, sépulture caviardée, sous la langue, précisément.
Restes de mots mêlés à l’eau de vaisselle dans les écuelles muettes.
Corps qui s’ébruite, s’ébroue. Coule en toi la noyade de ce corps. Poussée de lichen, sol à paupières. Compagnon de la naine.
Varappe aveugle dans l’évier à l’appel du sac.
À hauteur de bouche, l’espace du battement de cil, entre vivant et noyé, la tessiture de gibecière déblatère, oppressante et crue.
C’est ton vagissement crépusculé, cuisiné de râteaux affolés, cuisiné jusqu’à la rayure. Le reste-dur du consentement.
Fourrage au voisinage de la battue épousée.
Sous ta robe dépecée, l’ornière de chair balbutie. Puis vient le sang, ferré dans l’hémorragie. Remplis-en un seau.
Palabres dans les poils. Tenir sa langue dans la bouche des bourreaux. Promesse de victuailles. Mes dessous de chair en fête, dessous d’amuse-gueules.
Raidissement des sangles entre les courbatures de la crampe. Ce qui remonte plantureux de dents pour s’accrocher, avec des dents, sur des faces d’absents.
Traces noires de demi-mondaines, traces de faces fourmillantes dans l’humus d’une langue orpheline. Traces noires de voix dans la nuit sourde.
Dans la peur de la gutturation, tu deviens la surface battue du tambour.
Tête, terre violette. Ma chair est fourrée de cadavres et ça hurle, hurle quand j’avale ma main.
Moisissures de paroles autour de mon trou poissonneux. La semence se cordifiant à deux doigts de glapissement.
Passage par le blanc, le blanc époumoné. Donnant-donnant, on recommence à manger qu’à coups de pelles sur nos visages terrés.
Montagnard dans le cagibi en crue, dans l’angle mort fin de feinte.
je ne te porte
pas en ce
monde
je suis ta
chienne d’arc-en-ciel
tondue
jusqu’aux séquelles
de lumière
frottes-y ton ventre
à hurler ma
mort
touffes de terre
l’humide
à pleine bouche
venu
aux mains
mange-les
mon enfant crépuscule
moi aussi
je te mangerai
pour nous surmonter
ténus
entre mes mâchoires
de mulet
ta langue feule
crépue fécondante
animaux d’épluchures
têtes et culs
dans nos excréments
La seiche enfouie dans
les poumons
nous sommes
la criée
les linceuls
maculés de subsistance
neige
pulpe rêche
RONGE
RÉSISTE
ronge
sous nos ongles
chargés de
carne
le lichen parle encore
dans nos bouches
le terrier ameute la voix
c’est au visage
garrotté de semence
visage de cris
bêchés dans la présure
ce qu’on dirait
bouche
asphyxiés de langes
de langues
mondes serpillières
on penserait leurs
cris
cordés autour
du nœud ramifiant
à nos corps lapereaux
cousus-collés
et la nuit nervure
le frai
animaux d’éprouvettes
strangulés du
jour
feuilletée de peau
seule et même
couche
souillée mâchonnée
et la voix qui jardine
d’affolement dans
la viande
en travers
vers la voix
démangée
tuméfiée de famine
ma main
est mon chien courant
chienne pleine
la fourrure
retroussée jusqu’à la bouche
gagne-pain
de qui perd
gagne
la petite lumière faisandée
dans la tirelire
chemin de laisse
tâtonné dans la chatière
sacrifiant ma
peau de
proie
tu rampes
vers le nourricié
la pelote de réjection
débusquée dans ma fente
giboyeuse
monte-moi
pour la passe entre les
parois de ma
corolle
la trace gémit
cicatrice
collerette violacée
appeau des mourants
râles mamelus
pour l’accouplement terreux
ta bouche
bêche à rendre
audible le clou affamé
au-delà du tubéreux
il y a mon visage
de pansement
vineux
notre chair à monture
harponnée dans le
trépassement
le pain de sang mordu
d’urine dans le
couronnement
ce qui palpite
qui remonte
appelle
traqué
jusqu’au calleux
cilié
ce qui remonte
palpite
épelle
croûtons de souffle
essoufflés sur nos lèvres boueuses
hémorragie
chiasse
fruits d’os
dans le sac à
venaison où la carie
légifère
par-dessus nos épaules
une rumeur de
plaie
nous boussole
par-delà ton
pelage
balbutiement
viande à ténèbre
neigeuse sous mes lèvres
de taupe
je te trans-
hume
d’humus en humus
aveuglément couturé
terre
fumier nuptial
je suis
la blatte qui
ovule en contrebande
la douleur du
qui-vive