Marc QUESTIN

 

LITURGIES ROMANTIQUES

 

 

La figure d’ange de Novalis hante nos rêveries d’Occidentaux. Nous essayons de ressembler à ce visage si transparent. Il nous manque cette pureté, et ce fier détachement.

 

« Nous n’entendons rien que babil exquis

De tendres vœux ; nous ne voyons jamais

Que des regards bienheureux en extase,

N’avons au goût que lèvres et baisers. » (Henri d’Ofterdingen)

 

Ce brillant optimisme demeure idéaliste. C’est un rêve de bonheur dans un monde chaotique. L’être aspire à l’Éden. Le pouvoir des paroles est justement de transmuter ce désir insatiable d’un paradis réalisé. Ce pouvoir le transmute en une musique enrichissante, porteuse des flux incantatoires, musique de brume et de violons qui libèrent notre extase vers un ciel de diamant.

 

« Toutes les vicissitudes de notre vie sont des matériaux dont nous pouvons faire ce que nous voulons ; tout est le premier nombre d’une série, le début d’un roman infini. »

 

La lumière rouge du romantisme au grand jamais ne faiblira. Tant qu’il y aura du rêve sur Terre, et que les hommes voudront l’espoir. Cet espoir, après tout, serait-ce un reste de christianisme ? Les antithèses sont dépassées. Au fond du noir la lumière luit. Les religions n’ont rien à voir avec cette soif consciente de l’Ange. Religions mortes et dépassées. La poursuite de l’extase (tout érotisme est extatique) dépasse le cadre des religions, s’invente des dieux et des déesses, inaugure des présences, présences vivantes dans l’être même, jusqu’à l’iceberg des nuits polaires, la clarté si limpide de nos nuits d’absolu. Cette attitude est romantique. Elle signe l’essence du romantisme. L’illusion de l’Histoire ne peut masquer les échéances. Le Celtisme, par exemple, est-il pur romantisme ? Novalis incarnait une présence angélique. Une absolue nécessité. Le plus proche compagnon des gnostiques romantiques restera cet amour que chacun cherche au fil des jours. Cet amour ténébreux, riche de lumière et d’horizons, les grands poètes l’ont incarné suivant des rites irréductibles. Ce que dit Novalis reste d’une brûlante actualité.

 

« Un petit nombre seulement

Sait le mystère de l’amour,

Éprouve l’insatisfaction

Et la soif éternelle. » (Hymne)

 

Ces simples mots ont la vertu de susciter en nous l’Éden. Ou tout au moins son approche rare. Novalis est un ange qui traverse l’air du temps. Ses yeux fixent la lumière. Les comètes de Vénus habitent le cœur de l’homme instruit. Instruit des grâces, des prophéties. Ce mysticisme se veut témoin. Ces lignes écrites il y a deux siècles frémissent d’un sang poli d’azur. On le sent comme médium. L’intercesseur de fortes puissances. Et ce qu’il fait descendre en nous n’a pas de nom, n’a pas de prix.

 

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