Théo
LESOUALC’H
KAGAMI (1)
Photographie
: Christian GATTINONI
silence. silences.
visage du froid. le bleu du verger
déteint étiré vers l’âge-centre. et
éloigné de MOI et supernova sans incarnations possibles. là
s’arrête le tout-autre. l’autre.
le même autre pourtant inversé d’un palais sous-marin.
palais de verre ou le palais-mirage
écho du tain. regard
qui creuse. glisse. plonge.
sans nom l’inimaginaire.
le JE
à face de lune où
la phrase détournée par un pirate du ciel.
invisible
ici-dedans. regard noyé
et liquide de l’ŒIL immergé dans sa nature liquide.
nature liquide de la lumière solaire. liquide
de l’astre écorcé
(1) kamami
est le miroir japonais d’un disque de bronze. l’immobile.
capteur du panorama-cadavre
où
les pieds du danseur pris de folie bouscule le temps neutre
du chaos des formes
où
peut se détruire — à l’infini — le rite de
la vision. face à MON regard. image
réfléchie de MON double inversé. regard qui ne peut
que ME regarder passe à travers la transparence de MON œil
disparaît dans le champ totalement sans mémoire
du monde
des contours rendu à sa consistance provisoire sans trace
et je sais que c’est MON œil et MON œil
seul qui invente un regard au profond d’une surface sans grain. paroi infranchissable du métal noir conçu des fonds de la terre
pour la guerre et gluant de l’hystérie historique
quand le dieu Izagani
remonté du royaume des morts où il était descendu à la recherche de son épouse
Izanani, se rendit à la rivière pour se purifier, de son œil
gauche jaillit le soleil. de son œil droit la lune. vision de la
lumière et vision de l’obscur. sur le grouillement
des multiples divinités shinto du vieux Japon le regard solaire continue sa
course dans l’effigie du disque froid d’un miroir de bronze
il y a
perpendiculaire à l’horizontale illusoire la tentative
forcenée d’une verticale sans fin qui est le centre du mandala où
étrangement guidé, égaré, par les méandres de l’interrogatoire,
le tracé de la danse masquée déchevêtre la piste jusqu’au non-lieu du vertige
où
l’initié en parvenant enfin à la chambre centrale
SE découvre — en son propre double — tendu par les cornes du minotaure en
un miroir circulaire
(1) kagami-no-ma
est le miroir qui précède l’accès au pont menant à la scène du Nô.
la mort seule n’est pas mortelle
dans la mort le danseur réfléchi par l’apparition
du miroir atteint l’immortalité. vibre aux dimensions
du jamais, du toujours.
(1) okitsu-kagami
est le miroir lointain
Hetsu-kagami est le miroir proche. qui sont parmi les dix trésors impériaux la représentation
de « chi » la connaissance.
(1) tabarino
kagami est le miroir de gauche d’Emma-o
dieu des enfers qui réfléchit la condition des âmes terrestres.
où
l’espace de la danse rebondit jusqu’à l’apesanteur
du silence sidéral
Photographie : Christian GATTINONI