ALEISTER CROWLEY
BALZAC
Gigantesque, enténébré de fer noir,
Emmouflé, Balzac se dresse, et voit. — L’immense
Dédain,
Le Silence égyptiaque, la Maîtrise des Douleurs,
Le Rire de Gargantua secoue ou pacifie
La stature ardente du Maître, vivide. Au loin, épouvanté,
L’air frémit sur toute sa chair. En vain
L’Incarné de la Comédie Humaine
Enfonce aux orbites ombreux l’irradiation géniale de ses
prunelles.
Épithalames, Péans de naissances, Épitaphes
S’inscrivent au mystère de ses lèvres.
La triste Sagesse, la Honte méprisante, l’Agonie profonde,
Gisent aux plis du manteau, pans de montagne et faces
de cercueil.
— Et la Pitié s’est blottie au cœur.
L’âpre science étreint
L’essentielle virilité. Balzac se dresse, et rit.
RODIN
Un homme. — Spectacle de l’Univers,
L’Œuvre se dresse et affronte la Nature : perception
et mélange
Au seul centre silencieux d’une âme magistrale
De la Force égyptienne, de la Simplicité grecque,
De la Subtilité celte. — Libéré par la souffrance
Le grand courage calme de l’Art Futur, raffiné
En sa nerveuse majesté, glisse, profond,
Sous la beauté de chaque rayon d’harmonie.
Titan ! Les Siècles amoindris s’enfoncent,
S’enfoncent à l’horizon des contemplations.
Debout, et lève
D’un ferme poing la coupe suprême, le Zodiaque !
Là écume son vin — essence de l’Art Éternel — la Vérité !
Bois, bois à la toute puissante santé, au Temps rajeuni !
— Salut, Auguste Rodin ! Vous êtes un homme !
Deux poèmes extraits de « Rodin in Rime » (1907), traduits par Marcel Schwob.