Marc
QUESTIN
GAUDI
LE MAÎTRE
Ses
constructions patientes saisies d’un signe divin préfigurent à l’avance les
architextures surréalistes et les expérimentations sauvages de l’avant-garde.
Il plonge avec maestria dans un sol de lumière, dans la terre des ancêtres
et il s’élève à la clarté d’un dictateur de notre espace conscient. Les allées
hétéroclites de la nature du geste ne lui résistent pas. Le ciel ira plus
vite que la lumière. Les cathédrales se sont élevées toujours plus haut dans
l’absolu jusqu’à former ces étoiles sombres qui dominent notre monde tout
en nous libérant du poids pesant des conformismes. Barcelone est peut-être
la plus belle ville du monde. L’Espagne est millénaire qui se survit dans
une lutte constante entre ses plus secrètes aspirations et l’immobilité blanche
des places noyées par le soleil. Et la terre se craquelle sous nos pas trop
réels. Le sang s’est échappé des rêves du romantisme. Gaudi propose aux spectateurs
la même vision qu’Eugénio d’Ors ou qu’un Miguel d’Unamuno quand ils scrutent
cette Histoire de leurs prunelles de diamant noir sous une Loi catégorique
qui efface les errances des pauvres hommes que nous serions. Gaudi fait respirer
le cœur de l’être invulnérable. Les lois sacrées du style baroque qui se haussent
aux sommets où trône un Dieu transcendantal circulent le long des jardins
d’or parmi d’étranges labyrinthes, d’énigmatiques sculptures tantriques, des
rêveries rococo. Cette innovation danse. Gaudi crée la mémoire.