Daniel
GIRAUD
L’ESPACE
DU SILENCE (extrait)
FEU NATUREL
EN PUISSANCE,
INNÉ DANS LA MATIÈRE.
Aujourd’hui l’homme des bois est comme
un arbre déraciné. Mais l’emPYRée contient les astres
et brûle en PYRénées.
Vivre est un SACRifice.
SACRé, l’être est le lieu où l’on entretient le
Feu, Agni-grha... Et qui sacrifie au fourneau, tsao.
Éveiller le Feu individué. Extraire l’humidité
du Dissolvant Universel et du Feu sans lumière — des Sages.
Il s’ensuivra les trois Feux des Philo-Sophes suivant celui-ci et formant l’ensemble des oblations
sacrées à Agni-treta-hotra. Agni
est manifestation de Rudra. Le sperme de Rudra, vîrya, est notre Mercure, l’Attention issue du Seigneur des Larmes.
Je module des sons l’arrière-plan. Je
boîte avec les mots, actes invisibles, dans la chaleur qui couve sous la fraîcheur.
Dans l’instant présent l’écho précède autant le son qu’il le suit...
Le sens des mots suit leur son.
Quel est le son du Sens ?
TOURNE
TOURNESOL
TOURNEAUSOLEIL
TOURNEAUSOL
TOURNESOLEIL
TOURNESEUL
(Le Seuil est fermé. Le Gardien est caché.
Mais sur la fine pointe du Cœur la noix est sous l’écorce).
Vae Soli... Notre
grande prostituée est la Matière Première, hylé,
matière de ce corps même qui est l’ordre — cosmos — du chaos.
La Surnature est l’œil de la Nature,
sing, tout comme la nature de la chose devient
Or par le Feu Naturel et que l’Or devient Esprit
par le Feu Contre Nature.
Au Feu qui sort de Terre
Au Vent qui sort d’Espace
Au Soleil qui sort du Ciel
Au degré zéro de l’existence l’Éclair est l’éclat de clarté des trois Feux Secrets entre-tenus par le Respir.
Au carrefour des voies la réalité apparaît
triviale si le fondement n’est pas saisi comme infondé.
Com-prendre, wu, le coup de Foudre... Satori.
Voir sans regarder.
La Vie se dévoile
dans les trous de mémoire
La Conscience se révèle
dans l’éclair de conscience.
La mer plonge
dans une goutte d’eau
(Surveillant le large. Dans la mâture. La Vigie...)
Ô merveille !
le monde est en moi
mais je ne le suis pas
FEU DE LAMPE, SECRET
ET DE GÉNÉRATION
L’Être est
enchâssé dans le Non-Être et dans le Champ de Cinabre
Supérieur il fait passer de la Puissance à l’Acte.
Par le premier degré : Bain d’Eau tiède, douce immersion comme un Soleil d’hiver.
Il naîtra du Souffle, l’Embryon de Lumière, shengtai,
l’homoncule invisible...
Illuminé au premier Bain Sacré, Agni-dhara, qui transporte la Montagne. L’eau du thé
frémit.
Au sommet de la Montagne la cime est
un abîme. L’Oiseau chante à l’arrière du cerveau.
Il dit que le corbeau doit se faire phénix...
Le Sens de l’analogie est tel que, comble
des correspondances, les symboles analogues tendent à coïncider dans leurs
manifestations.
Qui Sait Voir Sait
Empêtré dans le monde des faits, ne pas
se leurrer par les pièges du mental qui masque l’Esprit
dont il prend une forme individualisée, inversée...
Les vagues du mental et de l’intellect
font-elles parties de l’océan de l’Esprit ou sont-elles
illusoires et sans possibilité de contact avec l’Esprit
? Ou encore peut-on atteindre l’Esprit par le mental
ou plutôt le mental peut-il être tué par lui-même ?
Que le monde s’y amortisse !
Dans la matérialisation progressive du
monde involué, le courant des formes pèse de toute
son inertie.
Amnésiques déchus ! Le sens est sous
l’écrit comme la mer à la bouteille...
Abusé
par le miroir de l’eau
désabusé
par le miroir du monde
(Il n’y a qu’une histoire pour produire
une histoire. Ni production, ni reproduction — dans la création pure.)
Le désir vient de l’état d’ignorance.
La candeur vient de l’état d’inconnaissance.
La Libération vient de la Connaissance
sans état.
L’état inconditionné est un Non-état.
Ce qui apparaît disparaît
Ce qui connaît est
Ce qui est connaît
Orage des montagnes. Aura des cimes.
L’éblouissement de l’éclair jaillit au même instant que le crépitement du
tonnerre.
La brume monte de la vallée comme la
fumée d’un vaste incendie. Ivresse du grand air. Je crache comme un népalais
sur ce sentier perdu. Altitude et solitude...
Les névés fondent à grand fracas. Un
vent violent emporte les nuages et fouette le visage. Parfois se repère des
emplacements de pas pour y poser les miens. Et déposer mon corps au bruit
assourdissant de PYRène en chaleur.
L’ombre chinoise d’un nuage au flanc
du Mont Vallier. Lieu du Surhumain. Avoir l’œil...
Voir par où l’on monte et savoir si l’on peut redescendre.
Les izards
sautent d’un rocher l’autre puis s’arrêtent et m’observent... étonnés. La
roche s’effrite. Le cœur bat. Éboulis de pierres où le pied glisse.
À force de voyager je ne bougerai plus
de mon for intérieur.
L’Eau de Mer
est l’Eau de Nuée
L’Eau céleste
est ignée
Lors d’une escale, au campement d’une
existence, passe la demeure et coule le chavirement...
La demeure perdue, la mémoire s’oublie.
Les idées passent rapidement sans que la conscience ne s’y attache.
Observant un train de vie bourrée de
pensées... Pour quoi ? Pour qui ? se dit le Cœur.
Yukio MISHIMA
Photographie : Eikoh HOSOÉ