Olivier JUST

 

Mourir

Évoquer l’éphémère

courir pour être sûr d’avoir vu ce qui s’entachant d’être se

porte à crémation, à oubli spasmophile à retombée muette

et se dire stupidement que c’est encore devant

l’illusion des trajets

contourner le rocher de sa main que seul l’œil

enlace le détourné connu apprend le piège et la surprise

le jeu caché dans le poing de l’identité

la fenêtre de cela ruisselant de mémoire

le mu craché des tombes cachées des trompes de croyance.

 

Je fais silence. Mes yeux regardent le vide et vident ma tête. Je fais

silence en attendant le nom qui, seul, ouvre vraiment l’autre côté. ”

(Bernard Noël : Le Lieu des signes)

 

C’est le refuge de l’incertain : on ne peut en sortir...

Que dire d’une lueur qui n’offre pas de prise aux mots et qui découpe

dans la nuit seule un horizon tronqué comme dispensé d’identité, un Corps

dont on ne sait pas le nom...

discovery of a non-sens, hiding the tune of his glory... mais c’est

biaiser... elle ne disparaît pas !

– Qu’as-tu à tromper tes sens ? Le destin est fidèle à ses lois.

Laisse ta raison chanceler et n’abolis les mots que si ton œil est en danger...

– La viande, c’est la viande qui s’affaisse et j’ose à peine bouger mes

pieds qui baigneront dans l’ocre froid. L’homme fait l’amour avec les sons

mais la lueur garde distance... Dis-moi seulement un mot de toi qui soit

le signe du destin...

– après cette ère de meurtrissures c’est l’ignorance qui cessera, pour

peu que l’œil humain s’achausse dans l’humour blanc de son miroir...

– La belle affaire ! Le grand démiurge au rendez-vous des certitudes à la

surface de l’eau du lac... et mes pieds qui s’enfoncent dans l’ocre froid...

Vas-tu sonder la porte qui nous sépare du saut-de-ça ?

La porte... un songe ; une fois de l’autre côté on trouve les clés qui l’ont

ouverte. Une déchirure dans l’immobile, l’infime secousse t’aura prouvé

que ton regard était déjà...

– Il fallait naître (qu’aurais-je appris jusqu’à cette heure qui n’exacerbe la souffrance)

– tu te crois loin, comme étranger à la lumière, et tu as l’intelligence des signes en toi. Est-il si tard ! Ton sourire s’est plaqué sur le pétale d’un cœur plus sombre et le manteau de cendres s’est pétrifié sur les cheveux de la vieillesse qui insinue ses lianes entre les veines de l’oubli. C’est de mouvance que tu mourras. L’immobile est métamorphose dans le blanc dur de la voyance et innocence dans l’ombre froide du bord du vide.

Tu connaîtras ton guide à la seule ligne de ses lèvres

ne parlent pas au temps qui fuit

mais saignent sa trace jusqu’au passé

que maintenant tu couds

de ta main droit dénudée.

 

Fuis le vent car il t’érode ; le futur tombe dans l’imparfait.

– Je me vois être, m’approchant de cela qui s’éloigne de moi. Non, ce n’était pas à moi car tout se dérobait mais n’était pas plus nu. Une autre fois je résistais, refusant de penser mais moi seul était là, et l’ampleur du désastre, conscient de cette trace qui me ramène à toi, vouée aux débordements en un lieu qui me glace et ne réveille pas. L’incarnation est factice, j’ai besoin...

– Tu veux un fils, comme la meilleure manière de perdurer, mais chaque chose meurt de l’intérieur : tu dois toi-même dans la voyance la mener à sa plus grande intensité, et t’adonner au spectacle fécond de sa métamorphose ou de son retour à l’informe. L’identité t’échappe.

– Oui, j’ai besoin de moi en moi comme l’auteur d’un acteur, besoin que nul n’oublie à quoi il est voué, du germe au fruit vers plus de transparence, l’empreinte du futur en moi renouvelée comme l’illusion d’un règne. Vois, je n’ai peur que de la dissolution sans retour, une fausse mort qui exhume mes pieds gelés dans l’ocre. Oui, il faut savoir mourir comme on meurt, à soi-même, pour porter jusqu’à l’aube, œil méconnaissable, le corps, son poing qui bat.

 

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