Jean CARTERET

 

LES PIEDS

 

 

Par rapport au ciel — donc à l’invisible — les pieds, dans le corps humain, sont le lieu le plus distant du ciel — donc à l’opposé du ciel. Étant au plus à l’opposé du ciel, ils sont le sommet de l’invisible. Donc les pieds sont le surmoi du ciel, de l’invisible, alors que pour la Terre, dans le corps humain, les pieds — qui sont le sommet du ciel — sont la base de la terre — donc du visible.

Les pieds, sommets du ciel et de l’invisible, sont le surmoi du ciel, mais aussi la base, les racines, donc l’inconscient du visible : analogiquement, on cire rarement ses chaussures. Mais aussi, les pieds étant le surmoi du ciel, de l’invisible, on comprend aisément que — les pieds étant le sommet du ciel, donc du pouvoir intemporel — le premier pape, Pierre, soit mort pendu par les pieds, comme le dernier pape sera également pendu par les pieds. Il n’y a plus que deux papes à venir, selon la prophétie de Saint Malachie, ce qui montre la proximité de la révolution religieuse, c’est-à-dire du catholicisme — avatar, au cours de l’histoire, du christianisme. Il y a la dégradation de la religion : il n’y a plus que 14 % de pratiquants du catholicisme, et il y a de moins en moins de prêtres, et ils sont de plus en plus âgés. Mais la disparition du catholicisme concerne surtout des croyants — la croyance étant surface extérieure d’un intérieur relatif, alors que la foi est non pas surface, mais profondeur. On assistera donc, avec le devenir révolutionnaire, à une intensification de la foi, qui n’a qu’un rapport relatif avec la religion — ce qui n’est pas le cas de la croyance liée à la religion : La croyance n’est que locale et relativement partielle, alors que la foi est profondeur. Elle débouche sur le global — et non pas sur le local, comme la croyance. La foi concerne l’universel par le singulier de chacun. Elle conduit à la certitude, et débouche à son maximum d’efficacité et de plénitude. Elle débouche, de l’ignorance qu’elle est à l’origine : la croyance est surtout enseignée par l’Église et ses clercs, mais l’église est en réalité la communauté des fidèles qui la composent, et qui sont croyants, accessoirement, ou domaine et lieu, pour chacun et pour tous, dans le devenir de la religion — alors que la foi passe par la religion mais la dépasse. La croyance n’est réellement qu’une morale de groupe, alors que la foi concerne l’éthique — qui est choix, personnel, progressivement étendu au grand nombre, tandis que la croyance se comporte comme une obéissance au groupe. Il n’y a plus obéissance et maîtrise par les clercs au service de la religion, mais éthique qui est interne dans la conscience de chacun, et qui tend à devenir contagieuse dans l’intensité du grand nombre d’habitants à venir : il n’y aura plus seulement communication ou communion, mais contagion collective, lorsque l’humanité atteindra le nombre de dix ou vingt milliards de personnes comme la société. Or, la science démographique prévoit, objectivement, que vers 2020 nous serons dix milliards d’êtres. Or, on peut considérer la tête comme analogue de la terre. Or le cerveau contient entre dix milliards et vingt milliards de neurones. Nous serons donc entre dix milliards et vingt milliards d’humains dans le devenir de l’histoire sociale.

C’est alors que la foi — personnelle à l’origine — deviendra collective, comme la révolution, et non pas une révolution qui est chaque fois locale dans telle ou telle Nation, et doit passer — par la nécessité de ses composantes — par le totalitarisme et la bureaucratie. Mais la révolution de l’humanité entière — domaine de la solidarité collective et non pas simple addition de contestations qui concernent effectivement des révoltes locales — alors que la révolution est collective et concerne l’humanité tout entière. Évidemment, ce n’est ni pour demain, ni pour après-demain, mais pour plus tard, fruit du lent devenir révolutionnaire. On peut dire que, peu à peu, le meilleur traverse le pire. Et le marxisme a prévu — et non pas prédit — la révolution, supposant cependant que des révolutions entraîneraient et déclencheraient la révolution, ce qui n’a jamais été et ne sera jamais le cas. La foi, profonde, coïncide avec le divin, le cosmique et l’humain. Alors que la croyance ne coïncide pas, mais admet — je dis bien : admet, et non pas : accepte — les noces du divin, du cosmique et de l’humain — noces qui transfigureront et transmuteront les relations profondes du divin, du cosmique et de l’humain. On peut alors parler d’une ultérieure période d’alchimie, qui est — comme la pierre philosophale — contagion infinie qui transmute le plomb en or, ou plus justement, éveille la matière qui est encore au niveau des besoins chimiques qui la concernent. La matière est éveillée par l’alchimie au degré de l’amour de la nature pour l’humain, amour universel passant par l’éveil de la matière, passant du désir — qui est qualité et non quantité comme le besoin — à la foi qui ne vient plus du domaine quantitatif du besoin, au domaine infini de la foi qui est qualitative : donc, la puissance — et non le pouvoir — de la contagion de l’alchimie qui est du domaine de l’ésotérisme ou plutôt de l’hermétisme, passage et relation de l’ésotérisme — pénétration de l’invisible par le visible — et de l’ésotérisme — passage éventuel de l’invisible au visible — le visible et la microphysique étant du domaine de la science, objective, et non du domaine de la connaissance et de la gnose devenue enfin dialectique — où elle passe de la lumière originelle réservée à une élite, à la clarté, passage au collectif. On parle de voir clair, d’entendre clairement, de parler clair : la gnose ne parle pas clair, elle est hermétique. Donc, on peut considérer le passage de la connaissance de la lumière originelle au degré de la clarté qui est un passage révolutionnaire — passage de l’unique, ou de quelques uniques — au collectif de l’humanité nouvelle.

On peut dire que par rapport au ciel, analogiquement l’invisible, le Verre est analogiquement le domaine du visible. Or les noces, c’est-à-dire la jonction, la communion, la contagion des valeurs de l’invisible et du visible sur le plan collectif de l’humanité et non plus élitiste — comme c’est le cas des sociétés secrètes — est un phénomène de révolutionnaire, de mutation, de transfiguration, et non pas de simple transformation : la transformation peut s’opérer sur le même plan. La transfiguration représente évidemment un changement de plan. Ainsi un passage de l’évangile apocryphe de Thomas — retrouvé dans les amphores dans le désert du Sahara — parle des noces entre l’ange et le prophète conduit à la clarté de l’énigme et du mystère. Pourquoi ? Parce que l’ange est le bas du ciel, le bas du haut. Au-dessus de l’ange, il y a l’archange et les séraphins. L’ange peut donc témoigner de ce qui le concerne — c’est-à-dire la divinité du ciel et de Dieu lui-même singulièrement, alors que le prophète peut être considéré comme valeur de dépassement de l’humain ordinaire, comme le haut de la Terre, le haut du bas, tandis que l’ange est seulement le bas du haut. Il y a alors dans leur rencontre une situation exceptionnelle où le bas du haut vient se fondre avec le haut du bas : autrement dit, l’ange parle de ce qui le concerne — c’est-à-dire Dieu — alors que le prophète parle de ce qu’il concerne — c’est-à-dire l’humanité dans son histoire encore inconnue mais révélée d’avance par la prophétie. On peut donc dire que l’ange parle d’une origine — Dieu — alors que le prophète parle de terme. La jonction, la communion de l’origine et du terme est englobante au degré de l’universel à travers le singulier qui le traverse.

 

Avec Titi et Jean-Luc PARANT à la librairie Obliques.

Photographie : Michel CAMUS

 

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