Philippe
NATHANIEL
CAPITALES
PÉNITENTES
Le
souffle du désert disperse les miettes de l’enfant-lumière immolé de Prague
Dans les cryptes oubliées de l’Europe
Crucifière
Au fond du reliquaire des dieux,
Repose le cœur inengendré de l’Homme Virginal
Qui battra le rythme de notre histoire...
Au nord, il y a les grands bois qui cachent le réseau bombardier
des rapaces, comme un aérodrome de signes clandestins. Cycle forestier des
terminaisons orgueilleuses, neuf épées ébréchées de sang ouvrent la voie du
désert. Les nomades blessés dispersent leurs mémoires derrière eux : nous
ne les retrouverons pas. Le secret des départs sur le rivage. Les moines guerriers
aux mitrailleuses de nacre. Hongrie de caresses. Nous rêverons toujours de
phénix suicidés. Paravents électriques des capitales pénitentes. L’écho des
planètes qui éclatent dans le tumulte des rues. Rome-Berlin
n’est plus qu’un bûcher de désirs. J’ai aimé Éléonore encore plus pâle et
son petit bébé napalm, son jardin de lamproies et son lit violet de requins
morts. J’ai aimé. À présent, je pars en mission vers le nord, les soutes vides
de nos derniers mots, avec ordre d’agenouiller l’autre versant des toundras.
L’incendie du palais d’hiver réembrase l’emblème
de nos jouets rouillés et instaure le futur comme le SABOTAGE de nos mémoires
fatiguées...
Ces derniers mots d’un ami lointain :
« La lumière parle au désert
et le rend encore plus brûlant
J’écoute battre mon cœur
alors »
Presbytère
de l’église Saint-Sernin
Toulouse 8 mars 1980
à Elle, qui cria mon nom en cette grotte...
Le
sceau des premiers froids
(noces incendiées)
Il y a longtemps,
des siècles recomposés ou des mois à l’envers
de mémoires fatiguées,
à la limite nuptiale des cycles des brumes et de la lune,
sur le conteur brisé du lieu des désenchantements,
des tempêtes successives avaient tressé
lentement la corde qui ferme à présent le territoire des retours...
... et de ce lieu enseveli d’algues et
de terre
d’étoiles
en prière
je rebâtissais LE TEMPLE AUX ARÊTES DE
FEU cerné du ruisseau écarlate de l’amour qui porte L’ÉCU DES POINTES en son
centre
SANG MÊLÉ DE TERRE
BRÛLE
EN LA FLAMME DU SEXE ASTRAL
À minuit offert, s’élevait le chant des
coquillages, délivrant les étreintes solaires sur l’autel des falaises :
cryptes du corps léchées de galets, où
le cœur minuscule s’agenouille, creusant des grottes où la nuit neige, ouvrant
dans les interstices des glaives des forteresses de prières où se mêlent sous
la lune qui saigne merveilleusement les cycles terminaux de l’eau et du feu.
c’est sur le rivage enchanté de cette anamnèse
que nous pûmes allumer pour les cieux les Candélabres de Gloire
février
1980
abbaye de Sylvanes
«
Les derniers instants de mon corps en ce lieu... »
Jacques
Ferry
Tréveneuc
Nausées sur les cendres du matin ;
Dieu noua mon sommeil cette nuit :
je m’en remets à ses écartèlements.
Chaque mot se retire,
défait de ma bouche,
bouclant un cachot de merveilles
et la peine glacée de nos plexus séparés.
La mort croise les bras devant nos rangements hâtifs :
Éteinte Étoile, fade déesse officie ces rites soumis.
Chacun s’en va pleurer sur la même chaise.
« Les lettres dorées sur la pierre ne brûlent plus » pensai-je.
Le soir, d’un corps si lourd, repeint les murs comme au premier
jour :
ils redeviendront les organes trafiqués
de la nuit où les tempêtes écriront
leurs nouveaux chemins de terre et de pièges...
De toute part blessée, la maison murmure et j’ai peur à présent
de ses
chambres grandes ouvertes aux lits défaits de
froid.
Nous sommes perdus dans le vent, anonymes de baisers, retirés
des préciosités de l’étreinte impossible, mémoires fatiguées.
Peut-être que l’un de nous songea à quelque enfant arraché aux
branches de
Noël osant réouvrir cette porte pour
écouter le ricochet de nos cœurs :
écho bombardier,
trop lointain restera notre univers !
Paris,
le 8 décembre 1980