Pierre DHAINAUT

 

LA JUSTE INCANDESCENCE

 

 

Qui pense à l’exil, au retour,

ici ? tellement loin, tellement près,

dans la saveur des pins.

 

Ce que je voudrais dire,

un peu de terre

avec le bruit des galets sous les vagues.

 

Un merle chante,

l’eau miroite au fond du puits,

au soir, au réveil.

 

Le flux convient à l’aube

ou le reflux :

sans le savoir nous respirons.

 

Peu à peu les mots se découvrent :

l’écho dans la clairière

aurait-il une fin ?

 

La neige et la maison,

le souffle a-t-il une mémoire ?

il est chez lui sans cesse.

 

Que l’on se taise ou non,

l’air est le même entre nos lèvres,

aussi clair, aussi vrai.

 

C’est toujours le moment, bien sûr,

si j’écoute la houle

près d’une source.

 

Le vent suffit, l’amour,

les pierres sont les pierres,

nous ne nous perdrons pas.

 

Sur la plaine un vol de mouettes,

l’océan me traverse,

les yeux grands ouverts.

 

Il a plu cette nuit,

c’est la première fois que je regarde,

jusqu’au silence qui résonne.

 

Un murmure, une haie de saules,

la prairie sans limites,

l’intimité de l’œil.

 

Sac, ressac, je ne juge pas,

l’instant demeure,

l’écume transparente.

 

Je m’interromps comme je parle,

en la marée,

chaque jour y a-t-il un jour de plus ?

 

Le ciel n’est jamais vide, le sol nous porte,

on n’aperçoit aucun arbre,

on sait pourtant qu’ils sont proches.

 

Une marge, un rivage,

il n’y a de secret que le visible,

épanoui.

 

Le corps se souvient-il ?

pour la forêt rien qui ne soit présent,

chaque pas pénètre au milieu.

 

Hésiterais-je ? est-ce l’ombre qui dure

ou le rayon ? tout se passera bien,

si je ne réponds pas.

 

Ne grave aucun nom sur l’écorce :

en brûlant

la lumière témoigne.

 

La brise à peine au sein de l’herbe,

le seuil se cache-t-il ?

il est midi.

 

Tout est nouveau, tout se répète,

notre pays, ce sont les oiseaux migrateurs

qui le mesurent.

 

Nous ne reflétons rien,

la flamme est bleue,

qui nous dévore et nous accorde.

 

Ce que la sirène annonce,

un frisson nous l’apprend :

le brouillard a disparu.

 

Pouvons-nous l’oublier ?

nous dormons,

le monde en nous s’arrondit.

 

Le temps promis,

de tous côtés la plage étincelante,

je n’ai pas d’autre enfance.

 

Faut-il un sens ? j’ai tant de visages,

je ne laisserai pas d’empreintes

au bord de la mer.

 

Sommes-nous éphémères ?

autant que l’aile et le soleil

nous resterons ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le poème idéal, selon moi — et je sais combien mes réalisations en sont loin — est bref, abrupt, dense, nettement découpé. Il peut se développer d’un mouvement continu, avoir l’apparence d’un galet, donner une impression de plénitude, ou au contraire, se révéler heurté, déchiré, travaillé par des tensions en conflit. Il est formé, d’une part, de mots communs — comportant parfois un double ou triple sens — qui ont longtemps mûri dans le plus profond humus, d’autre part, d’assonances, d’allitérations, d’images et de métaphores se faisant écho, le but étant d’obtenir que chaque composant se trouve pris dans l’ensemble comme une pierre dans un mur.

 

CHARLES

JULIET

 

 

POURQUOI TOUT TOURNE-T-IL AINSI AUTOUR DU SEXE ? PARCE QUE LE SEXE EST UN OBJET BARATTÉ QUI ÉTAIT EN TRAIN DE DEVENIR UN AUTRE, ET DONT L’AUTRE, QU’ON VOULAIT ESSAYER, A DÉCIDÉ DE SE CONTENTER.

 

(ARTAUD)

 

 

 

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