Luc-Olivier D’ALGANGE

 

Nuit d’autres signes en paupières closes

Si le chiffre de l’or vient paraître en ces rives

Un Ciel dévasté et une Terre venimeuse

Vos paroles sont dans la fièvre de ce jour

Où se dispersent des voix d’enfances

Licornes écloses à l’angle des roches noires

Ce monde est le démon de nos mémoires désertées

Tel souvenir dans l’éperverie des nuages

Telle formule d’enchantement pour le sang de la nuit

Ainsi traversons-nous l’ogive des mondes en déroute

Ainsi nos déesses nouées d’effroi agonisent

Dans l’éblouissement ultime des promontoires violets

Prodige des voyelles assassinées et emblème du Songe.

Dans la neige noire de l’Oubli se disperse

L’alphabet du sommeil et ces lettres irréelles

Qu’évoquent sur ton Corps les paumes inhumaines.

Un vent soudain se lève dans les hautes ruches végétales

Mais à consentir ce Déluge dans l’esseulement du monde

Nos mains pures se déchirent sur des parois de pierre

Là où le Nom Maudit traverse les tempes de l’espace

Où se brisent des aubes ancestrales dans le rire de l’oxygène

Je retrouve ta silhouette et tes gestes incompréhensibles.

Soudés au solstice des tout-commencements

Nos ombres bruissantes furent prophétie d’Ultime.

Ainsi nous sacrifiâmes notre mémoire et l’histoire

De notre sang pour l’assomption solaire d’une légende

Très cruelle et riche d’éclairs dans les ténèbres

Dans la béance même et notre peur hurlée

Déchirée déchirante au cœur du Livre Silencieux.

Ainsi, incendiant l’ombre de nos gestes futurs

Pour l’assomption solaire d’un effroi sans limite

Nous livrâmes nos corps aux très pures destructions

Feu blanc et folie de flammes rouges

Feu noir et folie de flammes bleues

Dansées et dansantes au cœur d’Azur Silencieux

 

Car le bleu du ciel que nul n’ignore

N’est que l’apparence de l’origine du Feu

Et nos mains sont réceptacles de flammes

Et nos prunelles noyau d’incandescence noire

Ceux qui savent sont disciples d’outre-lumière

Et, Voyants, ils nous suivent, paupières incendiées.

Ainsi furent les premières paroles Divulgatrices

Offertes aux rythmes du hasard et aux prunelles amoureuses.

Dans les réfractions colorées de notre cathédrale intérieure

Nous écrivions des poèmes avec le sang de la nuit

Sur des feuilles d’immenses fougères ancestrales.

 

Le poème aux limites de l’ineffable devient conte

Et porte alors la fable ancienne

Le Corps de l’Ange de l’Ultime devient visible

Sous les voûtes hiéroglyphes du château Périlleux

Une lune rousse s’élève alors sur l’horizon

Et s’éloigne pâlissante avec toutes nos certitudes

L’humour courtise la gravité profonde

Et le rire s’illumine dans l’accomplissement des fatalités.

Un autre monde vient s’abolir dans la fournaise des étoiles

Nous glissons nefs livides dans les cieux en déroute

Nos nerfs endormis éveillent des substances profondes

La pensée bifurque à perte de vue dans la blancheur.

Cils de transparences défuntes dans l’origine de l’air

La cruauté de l’image est dans la dissémination

Dans les signes de sybilles se diffracte un monde éperdu

Prisme absurde où se disloque l’unité du Monde

 

Afin de joindre notre âme aux cérémonies fragiles de l’hiver

Nous dûmes bercer nos mains dans le murmure des balsamines

L’âme au dédale des ossatures de l’automne

Comme des anges foudroyés dans la pénitence de l’or

Nous récitâmes l’âge des îles et des fruits profonds

Lune-méduse sur les géographies secrètes du Soleil

Ainsi à l’envers de l’oubli le refuge des visages

Des silhouettes des ombres que nul ne doit oublier

Devint cette caverne sacrilège d’une enfance boréale

Où nous déchiffrâmes les litanies de la pluie

Pluies éternelles pluies dérivantes et lumineuses

Pluies légendaires vues des lucarnes de l’outre-temps

Pluies dialogantes et inversées — racines bleues bénies

Des mille clartés brisées et zénith irradié de ferveur

Pluies que nul ne doit oublier dans le devenir opaque

Dans l’anti-règne heurté d’effroi et de rires

Ces simulacres errants d’une vie sans destin.

Dans les couloirs de l’aube blanche, dentelles échouées

Nous congédiâmes la transparence des parfums de l’aube

Le paon solaire nervé d’attitudes légendaires

Se penchait dans les chambres travesties de notre âme

Comme pour figer dans le givre immobile du Temps

Les rumeurs impures et les robes du sable roux

Nous étions dans les nefs liturgiques de l’enfance

Comme l’automne après l’orage des domaines démesurés

Ainsi chantions-nous la transparence du monde

Et dans la poitrine du monde obscur

Les margelles liturgiques et les berceaux du déluge

Des libellules écrivaient dans l’air opaque

Une bible de gestes criblés et de récifs

Et notre âme se multipliait, éparse et mobile

Comme l’éclatement du mercure sur une surface vitreuse.

 

Chambres d’enfances où nous venons mourir

MOURIR avec nos débris de clarté

Et la naissance abstruse de nos neiges inachevées

Chambres du pardon et de la rédemption légère

Chambres éblouies de hanches millénaires

Chambres sombres mais toujours veille un or de clarté

Or rouge devin de météorites ancestrales

Rouge comme la part invisible des prunelles chimériques

Nos mains inventent le bleu des mondes défunts

Et la coïncidence des îles et des ciels

Aire blonde où viennent mourir nos craintes apparentes...

Je nomme ces lieux comme pour changer de monde

Mais rien ne vient altérer la certitude de ma voix

J’existe en ces correspondances inabsolvables

Et rien n’exulte aux heurts d’une parole noire

Que l’équinoxe minérale des gestes solaires

Rien à jamais dans le désordre des simulacres

Dans cette irrémédiable confusion des apparences

Ne vient ouvrir une ogive pénitente

Dans l’exacerbation des pluies fatales des pluies récitantes

Pluies en épithalames qui chantent l’autrefois

Chambres d’enfance où nous venons mourir

Afin de briser d’éclair le front pénitent de l’orage

Chambres d’empires et d’exodes et d’amours enfantines

Ni la rosée du matin ni la terre noire

Ne sont les seules matières du grand-œuvre

Il faut encore apprendre à mourir MOURIR

Dans l’effroi aveuglant des promontoires violets

Il faut encore donner son corps en opale de Sang

Pour la somptueuse douleur d’un soir digne de notre enfance

 

Chambres d’enfance où les ogres de l’océan

Répétant l’agonie du mal viennent poser des diamants

Chambres en fièvres d’astres malades

Des stratégies folles de l’invisible proie

Dans le vestibule une odeur de terre et de terreur

J’existe dans la formule des résines et des lisières

Dans la géographie des confins et des mondes irréels

Chambres d’enfance où des fées viennent s’assoupir

Et les frimas du printemps élèvent leurs couleurs désertées

Leurs parfums peuplés de rumeurs nuptiales

De rires secrets traversant les mélopées du doute

Chambres d’enfance et d’offrandes éperdues

Toutes les tombes sont couvertes de fleurs féeriques

Je serre contre mon cœur l’infante des saisons

J’exulte en la ligne dansante de l’ombre et de la lumière

Je partage des mondes et m’éveille dans une roseraie

La nuit vient tendrement meurtrir ma chair de clarté

Et le manoir peu à peu se peuple d’écorces et de vertiges

Des lucarnes découvrent l’élégance des érables sous la pluie

 

La terre est ici très noire et amoureuse de la foudre

L’inquiétude s’évanouit entre les Majuscules de la lumière

La nuit dans la mémoire de l’arbre de clarté

Ma nuit séditieuse dans les sentences de l’Automne

Ma nuit retrouvée et perdue dans l’offrande des fables

Des féeries d’écho en fleurs de silence

Et sur la croix docile l’échéance de l’ombre

Ma nuit vivante aux marges vespérales

Sous l’épaule du grand arbre où renaît la race bénie

Nos corps sont corolles de cette nuit sans mémoire

Et l’évangile de nos gestes se déploie grave

Aux clartés obliques parentes de tendresse

Si l’écrin de tes paroles sanctifiées demeure encore.

Pour ces vergers de l’océan, ces analogies natales

Le parfum las des prosodies diffère ma virginité

L’écriture passe dans le sang-lumière de nos yeux

Comme l’acte religieux de la rosée alchimique

L’écriture traverse les confins des signes en hiver.

Condamnant l’Automne antique de mes fleuves

Tu vins mourir dans l’angélus des rousseurs

Lors dans les buissons lointains et les fragments purs

Le déclin des sentinelles cerna nos prophéties

Aux antichambres de la mort l’astre devint rouge

Et novembre vint bénir les sablières incolores

Nous glissions sur les ardoises de Walpurgis

Étreignant contre notre âme blanche l’épouvante bleue

Comme inclinant contre l’outre-monde la robe artérielle de l’aube

Et nos gestes si noirs soudain contre l’opacité de leur corps.

 

Il faut encore savoir déserter le Royaume

Pour ne revenir que des siècles plus tard les yeux tristes

Les mains vaines de trop de tendresses partagées.

Donner ses yeux aux tempes du ciel

Ses mains aux nuées de la foudre donner ses membres

Aux clartés souveraines de la pluie porteuse de rumeurs célestes

Pluies dont chaque goutte est une parole de dieu

Pluies si claires qu’elles aveuglent un poète impur

Comme elles ravissent les yeux

D’un qui voulut incendier ses ombres

Et incendier les ombres du monde et les simulacres errant

Pour achever enfin les durées obscènes de l’Anti-règne

Et transfigurer son corps vivant en proie d’Éternel Instant.

 

 

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