Marc
QUESTIN
LE
DERNIER MOT...
Pour
Guy Benoit
«
Quand on veut vivre, il faut croire.
– À quoi ?
– Au sens cohérent de toute chose et de tous les instants, à
la durée éternelle de la vie prise comme un tout, à ce qui est le plus proche
et à ce qui est le plus lointain. » (Franz Kafka)
L’homme vient. Il traverse. Il accompagne l’autre en lui-même,
celui qui passe, ne revient pas. Il traverse des villes. Longe des paysages.
Il ne dit rien. Il est. Il va. Il abandonne toute expression, tout désir
de manifester. Il avance. Lentement. Son visage est tendu. La nuit descend
très doucement. Il continue sa traversée. Il est vêtu de cuir noir. Une boucle
pend à son oreille. Il ne pense. Au présent. Ses mots gèlent. Se retiennent.
Un silence établi comme un lourd consensus. II n’est pas dans son corps. Il
connaît ces états. La nuit tombe. Il avance. Il ne sait où il va. Il est là
et il dit: « Je ne sais où je vais ». Ni vers où, ni vers quoi. Rien de moins
à savoir.
Imaginez ce paysage. Cet homme seul sur une lande. Vous y trouverez
une ressemblance, un autre amour au fond de soi.
La nuit brûle. Son corps veille. Le feu muet du renard. Un rayon
de soleil illumine le doute, le génie solitaire d’un être chaleureux.
Seul au bout des années. Le retour en avant. La musique des rochers,
de la lande, du terroir.
Le sang des mots est spirituel. C’est le hasard des coïncidences,
les retombées intemporelles à la recherche du miroir d’or.
La nuit brûle cette route, le hasard en éveil. Vide bleu sous
la pluie du hasard de novembre. La musique silencieuse. L’ombre des situations.
Je suis un écrivain typiquement « bouddhiste ». La pensée de
la mort n’est pas mon processus car je fonctionne comme si la mort n’était
qu’un rêve sans conséquences.
Le livre de la vie est un livre « mutus
». Un « Mutus Liber » diantrement alchimique. La
seule forme acceptable (qui traduise l’intérieur) me paraît l’aphorisme, la
flèche spirituelle.
Les écrivains que je préfère : Denis Vanier.
Lucien Frankœur. Quelques passages de Peter Handke,
de Le Clézio ou d’O’Henry.
Le monde est gouverné par les forces du Malin. Satan en est le
Prince Inique. Ceux qui le suivent, sans le savoir, en sont bien sûr les prisonniers.
Une éthique rigoureuse gouverne l’honnête homme. Elle régit le
mouvement de la vie générale, accentue les détails, combat les opposés.
Il n’y a pas de création. Il n’y a nulle connaissance. Platon
disait : on se souvient. Je n’ignore pas... j’ai oublié.
De tous temps est le monde. L’espace est infini. La lecture devrait
transmuter la conscience, faire voir la beauté des chapelles internes, l’éblouissement
illuminé de ces grottes bleues neurologiques.
La translucide image fatale est celle d’une femme dans le brouillard.
L’errance mène la démesure vers le point fixe du non savoir. Le film policier
est nourri de symboles. Il permet à la vue de s’élever vers les cimes, vers
les hautes vérités qui ne siègent qu’ici-bas.
J’ai longtemps cru que la mystique était une chose informulée,
une abstraction mystérieuse que les Adeptes reconnaissent. La matière douée
de la parole c’est le cerveau allié au cœur et cela donne la vie active, ses
jeux de glace labyrinthiques.
Divination par les facettes. Quartz des nuits multipliées par
les facettes de chaque roche. La dynamite est la parole, le TNT des événements,
le feu actif des vibrations sur chaque case de l’Échiquier.
Les recherches actuelles, au niveau du langage, qui souvent sont
stériles, mènent à l’impuissance. La plupart des acteurs de ce jeu d’écrivain
sont à mon sens une hérésie. Ils ont perdu leur innocence, mais restent vierges
de tout savoir. De toute vision authentifiée.
Redonner au langage la puissance des saveurs. Que chaque mot
soit comme un long cri et une lance ultra-guerrière.
Le feu du ciel est spirituel. C’est une subtile métaphore. Il s’agit de se
voir à travers le miroir, et se voir nu et blanc. Enfant dès la naissance.
Les syndicats sont des systèmes de gens détruits de l’intérieur.
Il faut en fait ne rien vouloir. Il faut briser la volonté.
Le désir est la mort, tactilement infinie.
Le ciel de ma pensée, la terre de mes désirs. Ce ne sont que
symboles, jeu de mots, images molles. La vérité est différente. Il n’y a pas
de vérité.
Chaque nuit je m’éveille. J’efface la pensée. « Vous ne me faites
plus peur ». Ces paroles de Higelin.
La véritable initiation est une action méta-physique.
Elle se rapporte à la conscience que certains êtres ont de la vie. Toute action
vraie est intérieure. Il n’y a que TA vérité. L’intelligence ne mène à rien.
Et la pensée emplit le Vide.
L’amour humain est personnel. Entièrement totalitaire. Mais il
débouche sur quelque chose qui porte en soi la volonté.
La sagesse désignée sous le nom de : s’avoir. Terme de : posséder.
Amenant : l’Exorcisme.
Chaque siècle connaît des êtres nés d’ailleurs. Ils emportent
la mort. Possèdent la Vision. Généralement ils sont modestes. Peuvent passer
inaperçus. Mais leur action est un profit dans la mesure où tu les lis. Où
ça te dit que ça t’éveille, que ça te pousse vers le soleil.
Le secret est sacré. Il n’y a plus de secret.
Quel choix ferez-vous debout face au néant ? Que deviendront
vos impressions, vos goûts, vos peurs, vos sensations ? Aimerez-vous cette
jolie fille ? Ce fond de ciel ? Ce nuage bleu ? Vous m’en direz quelques nouvelles...
Si je vivais éternellement, je m’emploierais essentiellement
à vous écrire de charmantes lettres.
Notre faiblesse est une force. Il faut devenir grain de poussière,
pensée au fond du non pensé, rouge feu or des vibrations sous l’appel muet
des galaxies. Il faut devenir non devenir. La Vacuité du vide en rien.
Le fardeau des pensées est un poids inutile. Vivre caché est
un bienfait. Pour peu qu’on soit un peu d’amour.
Mao le punk nage lentement. Il se débrouille quand même bien.
Autour de lui des photographes venus des lieux de l’Univers.
La Gloire est anonyme. La vertu invisible. L’intérieur neuronique
de notre fonctionnement (notre élégance supra-mentale)
n’a que faire de ces lois qui se veulent mondaines.
J’aime Venise d’un amour fou. Je n’y suis même jamais allé.
Il faut enfin considérer l’activité contemporaine sous une optique
mathématique comme si c’était un assemblage de lois bizarres géométriques
qui obéissent à des principes que notre corps ne connaît point. Par cela on
doit rire de ces jeux du social, des concepts isolés au regard intégré.
Rois, Empereurs, ou Titans. Ce ne sont que des mots.
Je ne suis pas un écrivain. Je suis sûrement un être humain.
Nul ne connaît la connaissance. La tragédie des archaïsmes.
Dieu est mort dans la nuit. Il n’était jamais né. Il est mort
comme un punk. Contemple les novas.
Nous sommes tous de vivants morts. Puisse la Vie nous rendre
Signe.
Le Temps aiguise notre intuition. Notre souvenance intemporelle.
L’intelligence est trop subtile. Il nous suffit de voir les choses.
Il arrive un moment de pure décantation. Un plaisir intensif
de changer de visage. Le happening des situations est un agir en permanence.
Cet agir mobilise nos futures énergies. Notre avenir immédiat dans chaque
situation.
L’hérédité est génétique. C’est un souvenir collectiviste. Une
intuition mémorisée.
Le vide gouverne la matière. Dieu n’est qu’un mot de quatre lettres.
Ces lieux communs ont une histoire, hautement strange,
mystérieuse.
La poésie est une errance et la parole est une erreur. Sincérité
: la pire de toutes !
Les vibrations forgent un livre. L’autre destin nous mentalise.
Des zombies bleus apothicaires.
« J’écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du
temps. » (Jorge-Luis Borgès)
Achever sur ces mots le repos du guerrier. Les derniers mots
d’une équation de l’autrefois à dépasser.
Paris/novembre
1978