Lucien
Huno BADER
MALADIVES
19
TROGNES MEURTRIES de l’absence
lambeaux-photomatons
rictus maléfique repoussant ma bouche
prisonnière
faille bourdonnante de mes transports
creux mutilé
où se solidifie mon délire
qui n’atteint pas le rire
Théâtre de la fabulation imagée
l’espace sourd dans ma peau
tendue sous la caresse foudroyante
des psychés
aux doigts de vitriol
chacun de mes doubles en pièces détachées
trames restituées au contre-jour
SOUVERAINETÉ DU VIDE
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L’INCLUS
j’aimerais me cacher, ne serait-ce qu’un
instant — en l’ornière ineffable d’un miroir
dément — où mon image plongée
dans l’effacement — révèlerait à tout dieu
ce que je suis vraiment !
dans la passion et la rage jouissante
d’horrible — quand la luminescence de ses phares
me crible — ma douleur d’être au grand
jour
risible — sous les voiles de la nuit grimaçante
visible !
MAIS CE BESOIN FONDAMENTAL DE SOURDRE DE JAILLIR
DE M’ÉTALER
en toute surface comprise
entre le vide et l’absolu
entre le geste et la parole
entre l’esprit et le papier
CE CRI PHYSIQUE
ce besoin vivace de me dilapider
mon corps inclus — entre naissance et mort
ma vie incluse — entre vous et moi
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comme une lente déraison
dont l’aboutissement mènerait
au suicide nu — plus loin que la mort
comme une rage noire — lanière sifflante
dans la blancheur du dire — plaie ouverte
dans le Rire et l’Envie
— carapaces vides
dans l’illusion des formes — plein tragique
cette voix de magnésium
cette aveuglante ordonnatrice
cette malformation du silence
que l’on n’entend pas
mais qui se sent
perçante sous les doigts
qui se devine à tout instant
au bord de soi
sur l’articulation du mot
des orties nous poussent entre les os —
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des yeux me fouillent
me palpent me dépouillent
lentement...
organe par organe
soupèsent l’inconsistant
m’arrachent de part en part
des yeux-vermines
!
des yeux !
grouillant de tous côtés !
une infinité d’yeux !
dans la pénombre coagulée
tourbillonnent
me subliment
DANS MA LAIDEUR DIVINE
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Je serai l’ombre du Vent
la trace de pas sur le ventre
d’un dieu préhistorique fossilisé
l’éclaboussure tuberculeuse issue
d’une bouche sans voix ni commissures
béante dans l’espace d’une souffrance
aux bacilles géants grouillant
par essaims successifs grandissants
je serai l’aura dérobée
à quelque contenu sans substance
le souffle moribond du fou
qu’un hurlement étrangle de l’extérieur
je serai l’écho des nuits sans âme
ravaleur de sanglots
de solitudes inflammatoires
que supplicie le jour nouveau
ni un saint ni un monstre
une entité perdue —
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Transes long supplice
tu crèves sous cette lumière
le soleil te hait
tu lui rends la pareille
et les araignées façonnent
dans ta tête des toiles folles
où tes doubles s’empêtrent
dans le mensonge du présent
cet horrible Maintenant
où tout semble conjurer
l’envers d’un monde à face unique
aux océans murés
aux forêts cloisonnées
Tu n’es qu’un trou fondu au vide
tu n’es qu’une trace de nuit, une goutte
d’ombre
sur les dalles écarlates de l’aveuglant
miroir
tu peux mourir encore longtemps comme ça
te dégorger de ta mort tout entière
tu ne seras jamais l’égal de toi-même
le digne revenant au regard résigné
tuée de rire, lapidée de cris
ta voix du fond de l’abîme
émet un bruit de scie —
Noche cerrada de
velo
dans une étouffante angoisse
ongles crispés
et mâchoires fermées
Râlement bronchial qui
tel le cri du dernier rescapé
broie d’heure en heure
d’éternels pleurs de veuves
Fourmillement osseux
recto crânien et vertébral
du thorax tendu
à l’aveu menteur
la peau se fait réalité et
le resserrement fait oubli
Par des heures noires
aux sueurs physiques
l’angle du bras se débat et
la tête lourde tombe