Lucien Huno BADER

 

MALADIVES

 

 

19

 

TROGNES MEURTRIES de l’absence

lambeaux-photomatons

rictus maléfique repoussant ma bouche

prisonnière

faille bourdonnante de mes transports

creux mutilé

se solidifie mon délire

qui n’atteint pas le rire

 

Théâtre de la fabulation imagée

l’espace sourd dans ma peau

tendue sous la caresse foudroyante

des psychés

aux doigts de vitriol

chacun de mes doubles en pièces détachées

trames restituées au contre-jour

 

SOUVERAINETÉ DU VIDE

 

 

 

 

 

 

21

 

L’INCLUS

 

j’aimerais me cacher, ne serait-ce qu’un

instant — en l’ornière ineffable d’un miroir

dément — où mon image plongée

dans l’effacement — révèlerait à tout dieu

ce que je suis                                    vraiment !

 

dans la passion et la rage jouissante

d’horrible — quand la luminescence de ses phares

me crible — ma douleur d’être au grand jour

risible — sous les voiles de la nuit grimaçante

visible !

 

MAIS CE BESOIN FONDAMENTAL DE SOURDRE DE JAILLIR

DE M’ÉTALER

en toute surface comprise

entre le vide et l’absolu

entre le geste et la parole

entre l’esprit et le papier

 

CE CRI PHYSIQUE

ce besoin vivace de me dilapider

 

mon corps inclus — entre naissance et mort

ma vie incluse — entre vous et moi

 

 

 

 

 

 

22

 

comme une lente déraison

dont l’aboutissement mènerait

au suicide nu — plus loin que la mort

comme une rage noire — lanière sifflante

dans la blancheur du dire — plaie ouverte

dans le Rire et l’Envie — carapaces vides

dans l’illusion des formes — plein tragique

 

cette voix de magnésium

cette aveuglante ordonnatrice

cette malformation du silence

que l’on n’entend pas

mais qui se sent

perçante sous les doigts

qui se devine à tout instant

au bord de soi

sur l’articulation du mot

 

des orties nous poussent entre les os —

 

 

 

 

 

 

23

 

des yeux me fouillent

me palpent me dépouillent

lentement...

organe par organe

soupèsent l’inconsistant

m’arrachent de part en part

 

des yeux-vermines !

des yeux !

grouillant de tous côtés !

une infinité d’yeux !

dans la pénombre coagulée

tourbillonnent

me subliment

DANS MA LAIDEUR DIVINE

 

 

 

 

 

 

25

 

Je serai l’ombre du Vent

la trace de pas sur le ventre

d’un dieu préhistorique fossilisé

l’éclaboussure tuberculeuse issue

d’une bouche sans voix ni commissures

béante dans l’espace d’une souffrance

aux bacilles géants grouillant

par essaims successifs grandissants

 

je serai l’aura dérobée

à quelque contenu sans substance

le souffle moribond du fou

qu’un hurlement étrangle de l’extérieur

je serai l’écho des nuits sans âme

ravaleur de sanglots

de solitudes inflammatoires

que supplicie le jour nouveau

 

ni un saint ni un monstre

une entité perdue —

 

 

 

 

 

 

26

 

Transes long supplice

tu crèves sous cette lumière

le soleil te hait

tu lui rends la pareille

et les araignées façonnent

dans ta tête des toiles folles

tes doubles s’empêtrent

dans le mensonge du présent

cet horrible Maintenant

tout semble conjurer

l’envers d’un monde à face unique

aux océans murés

aux forêts cloisonnées

 

Tu n’es qu’un trou fondu au vide

tu n’es qu’une trace de nuit, une goutte d’ombre

sur les dalles écarlates de l’aveuglant miroir

tu peux mourir encore longtemps comme ça

te dégorger de ta mort tout entière

tu ne seras jamais l’égal de toi-même

le digne revenant au regard résigné

 

tuée de rire, lapidée de cris

ta voix du fond de l’abîme

émet un bruit de scie —

 

 

 

 

 

 

Noche cerrada de velo

dans une étouffante angoisse

ongles crispés

et mâchoires fermées

 

Râlement bronchial qui

tel le cri du dernier rescapé

broie d’heure en heure

d’éternels pleurs de veuves

 

Fourmillement osseux

recto crânien et vertébral

du thorax tendu

à l’aveu menteur

la peau se fait réalité et

le resserrement fait oubli

 

Par des heures noires

aux sueurs physiques

l’angle du bras se débat et

la tête lourde tombe

 

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