DIDIER MANYACH

 

L’APHÉLIE

 

Éphémère la Rosée des Voix

qui suintent sur les murs

 

Cluse du blanc

 

Les mots jalonnent le Passage

qui mène au Pays du Vent

 

où la naissance se renverse.

 

Ce sont d’étroites gorges

où pénètre l’eau des bouches

 

le mors de l’âme

 

Ce sont d’intenses forces

qui plaquent au sol.

 

La langue s’interpose

et le cristal rougeoie

 

Entre le visible et mes os

 

La mort apparaît seule

dans le bleu noir de mon corps.

 

Parle moi de l’étrange Douceur

Source engloutie

 

au fond de la vie qui s’égoutte

Part du Vrai tarie.

 

Morceau de l’ancien territoire

dérivant dans la verse

 

de l’aube pourrie

repartant dans la nuit du monde.

 

Lambeau d’éclipse comme une voûte

recouvrant l’astre unique

 

dans le sang de l’Être

 

Interminablement dans la boue

et les ossements d’étoiles

 

Tu erres de chair en chair.

 

Jusqu’à rencontrer ton Semblable

qui n’est que le double du Même

 

Égaré comme toi seul

 

Écho perdu dans les vallées du Lointain

terre qui ruisselle.

 

Et lorsque surgit la Vie nouvelle

dispersée dans ce qui advient

 

tu demeures sans chemin

 

pour accueillir l’Inaccessible

Celle qui implore sa délivrance.

 

Fais entendre cette Clameur

qui s’élève de tous les flancs

 

perforés du Signe défunt

 

montant aux lèvres de ceux

qui n’auront plus à répondre :

 

libère-les de ta contenance.

 

Toi qui assailles et meurtris

chuinte dans le silence

 

sur les Portes interdites

 

où ton royaume prend fin

déferle sur les sept morts

 

qui me hantent et me retiennent

dans la cité des Gisants

 

Gardiens de mon tombeau.

 

Que leurs spectres de totems

s’abattent comme des lances

 

sur le seuil battant de mon cœur.

 

Que leurs faces se voilent

devant mon cadavre de Vivre

 

Ailleurs dans la Chair de ma chair

en allée vers le vide

 

Retournez dans sa demeure

et que je m’avance là où je reviens

 

jusqu’à l’annulation du Point...

 

Sphères mouvantes dans l’orbe

du dernier Printemps

 

Voile des énergies

 

Face à la lumière d’eau noire

qui transperce le versant des Chairs

 

incliné au centre de l’abîme

 

d’où jaillit le Mouvement

 

retour de flammes.

 

Feu du lac sombre

de l’esprit en quête

 

dans les cendres

 

le vide la béance tout le corps

déchu du carnage

 

Œil suspendu dans les angles

du carré mental

 

qui tourne en rond jusqu’à terre

 

où loge le Souffle inconnu

la Créature sans loi

 

rasant le sol soleil d’argile.

 

Proches du silence

lacs de sel

desséchant

 

la bouche d’or humide

 

un feu glacé perpétuel

rallume la lande

 

où tu bois la chaux vive.

 

Dans la bruissante source

deux fois mort

 

sur le socle d’argent

 

Le temps bat contre l’arc

où la craie masque

 

le Signe unique qui redescend

dans la blessure.

 

Tes mains longent la spirale

griffent les flancs roses

 

du squale cosmique

obliquement penché sur l’horizon

 

qui râle dans la plaie

avec ses ailes plongeant dans l’ombre

 

ultimes du ciel rond.

 

Crevasse pour de lointaines

avalanches                         la plaie

de boue sous le fer rougi

 

du cœur solaire

 

Forme noire dont les clous

ont été plantés

 

dans la chair des siècles

s’ouvre.

 

Un seul geste et la nuit

le happe

 

dans son Manteau de pierres

 

Il est sous l’ange

 

perforé Extérieur

 

au corps qui le ronge

et va descendant

 

dans l’ombre la plus blanche

 

sous le tain qui éclate

 

illisible surface.

 

Le Printemps de l’Être s’éloigne

substance qui clôt sa face

 

il est dans l’Envers du monde

 

plus immonde que la mort

qui ronge et gagne son centre

 

où pointe l’os du Noyau

dans sa gaine de plâtre et de cris

 

qui s’effondre sous les eaux.

 

Sous la blanche main s’étend

la steppe vierge des signes

 

brûlée par la soif

 

sur la terre qui vomit jugée

 

des limons pétrifiés

 

des gisants debout sur la croix

des vents pendus

 

au-dessus des cendres

 

se déplacent en tournant.

 

Vrillent des corps

que les sables font voler

 

dans l’espace emmuré

des corps pleins de mort

 

qui râclent le Réel

avec leurs sangs

 

Girent des soleils

dressés sur les coquilles d’os.

 

L’air se remplit d’ombres

 

le feu trempe sa langue dans l’orgue

de granit : l’eau se répand

 

dans la conque

 

le souffle se casse dans l’onyx

 

pliures de voix

cassures de langues

 

l’Angue coupée dans l’Ange dormant

 

sur une faille de boue et de lymphes.

 

Ce qui détruit n’a plus corps

toute la cluse saigne blanche

 

ce qui s’éloigne ne se retrouve

s’est perdu dans la soufflure

 

de la mémoire

 

du cosmos des os de la blessure

transverse à l’univers

 

qui roule dans le vide

 

où le corps se transborde et s’axe

 

au couchant mixtiligne.

 

Aphélie creuse où chutent

des cristaux rompus du ciel

 

frimas d’une évection

 

sur la mer qui courbe son buste

 

la lune se fragmente isiaque matière

 

Et des lames roses transpercent

dans la nuit poudrée de Gloires

 

Cette masse de Liqueurs

retenue dans le brouillard...

 

Retour à Blockhaus Revues

Retour à la page d'accueil